Aube Chapitre 5

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Si elle n'avait pas veillé aussi tard la veille à murmurer des paroles réconfortantes aux deux personnes qu'elle aimait le plus, si ces personnes n'avaient pas répondu de manière aussi parfaite à ses craintes, si la nuit ne s'était pas achevée dans une avalanche incontrôlable d'amour et de marques d'affection... Oui. Elle n'aurait décidément pas veillé aussi tard.

Au matin du départ, parmi le tumulte des préparatifs, l'attention d'Aube fut d'abord attirée par les chevaux. Elle arborait l'air hagard et les yeux bouffis de ceux qui sont debout dehors dans le froid et qui ne le savent pas encore, tant leur esprit s'attache toujours à leurs draps douillets et à la chaleur de l'édredon. Les bêtes dont la demi-douzaine représentaient la totalité des effectifs présents dans le bourg avaient l'air piteuses. Frissonnantes dans le froid de l'aube. La vieille Maggy s'était éloignée pour s'entretenir avec Darius et Ilias, alors elle en profita pour s'esquiver jusqu'à la fontaine du village. Elle utilisa l'eau pour se nettoyer le visage et les mains et sortir de l'engourdissement du sommeil. Elle se perdit ensuite dans la contemplation des fées qui allaient et venaient entre les différents bassins. Leur ballet millimétré lui évoquait toujours le même chagrin assourdi. Comme une profonde nostalgie, mais dissonante. Aube avait imaginé qu'alors que les préparatifs battaient leur plein et que la vieille guérisseuse était sollicitée de partout, elle-même, son apprentie pourrait jouir d'un moment de tranquillité. Que nenni ! Le fils d'Angué s'était écorché salement le bras en voulant jouer avec le nouveau coutelas de son père.

« Voilà ce qui arrive quand on joue à la guerre. » Asséna Maggy d'un air sentencieux tandis qu'Aube lui emboîtait le pas sans mot dire. La guérisseuse enchaîna ensuite avec la description exhaustive de la manière dont il convenait de s'occuper de ce genre de blessures. Aube eut soudain très envie de lui faire remarquer qu'elle s'était révélée capable de guérir pire qu'une écorchure, mais cette pensée seule lui provoqua un frisson de mauvais augure. Elle se tut et suivit en ruminant de sombres pensées.

La maladresse d'Ang', le fils d'Angué s'avéra en définitive peu grave. Les bons soins d'Aube et de Maggy eurent tôt fait d'expédier le problème et le bambin s'en sortit avec un beau bandage tout propre à montrer aux copains. Pendant qu'Aube lui expliquait comment et quand retirer le bandage, Maggy en faisait autant auprès des parents du petit, assaisonnant les conseils d'une pincée de sermons sur la manière dont elle s'occuperait d'eux si le petit se blessait de nouveau. Lucy et son époux acquiesçaient vivement, l'air déconfit et honteux. Personne n'était réellement capable de soutenir le regard de la vieille Maggy quand elle était comme ça. Aube avait pitié d'eux, car elle savait que ce n'était là que le début. Elle profita de l'occasion et jucha le petit entre ses bras avant de signaler aux parents toujours sous le joug de la vieille guérisseuse qu'elle l'emportait. Lucy lui lança un regard envieux auquel Aube répondit par un clin d'œil amusé. Ang' se laissa faire sans protester tandis qu'elle l'entraînait vers un groupe de jeunes enfants qu'on avait réparti dans deux charrettes différentes. Le chahut qui accueillit le retour du blessé, fit sourire l'apprentie guérisseuse. Livrés à eux même, les petits s'amusaient à descendre la charrette en sautant le plus haut possible avant de remonter avec force hurlements.

« Calmez-vous ! » Intervint-elle en déposant Ang' qui courait déjà pour participer au jeu.

Son interruption eut au moins le mérite de ralentir le mouvement. La petite qui s'apprêtait à sauter interrompit son geste et tomba, bousculée par le suivant dans la file. Elle tomba à plat ventre et des sanglots montèrent rapidement du gazon où elle gisait. Aube se précipita pour la relever et l'examiner, sa formation reprenant le dessus.

« Plus de peur que de mal. Constata-t-elle. Tu a eu de la chance. Ajouta-t-elle à l'attention de Constance dont les yeux bouffis étaient toujours brouillés de larmes. La chute de la petite avait cependant considérablement calmé l'agitation et les enfants se furent bientôt réunis autour d'eux pour vérifier si Constance allait bien.

L'HÉRITAGE DES TEMPÊTES Tome 1 La Guérisseuse, L'Érudite Et La PrincesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant