Les jours s'écoulèrent tranquilles au cours de cet hiver. Le palais était plus calme qu'à l'ordinaire étant donné qu'une partie de ses occupants l'avaient déserté depuis le retour des fées. Cependant, c'est à cette période que nobles et serviteurs assistèrent à la création d'une nouvelle entité tapageuse de cris et de gloussements. L'amitié qui naissait entre Page et Grace s'était propagée au reste des enfants et on ne put bientôt plus différencier les enfants de haute lignée, de ceux de plus basse extraction au sein de cette joyeuse troupe. C'est au cours de cet hiver que les cheveux de Schaps commencèrent à se piqueter de neige tant il ne savait plus où donner de la tête face aux facéties des enfants, souvent aidés par des fées parmi les plus jeunes, Léanne en tête. On avait baptisé cette petite troupe les enfants de l'orage en référence à l'oiseau qui ne quittait plus l'épaule de la pupille du roi.
La princesse s'était remise de sa convalescence. Elle ne recouvrerait jamais la vue, les magiciens les plus puissants et les sorcières les plus érudites s'étaient relayés inlassablement à son chevet, mais personne n'avait été capable de défaire ce qu'avait fait le dragon. La jeune fille avait eu beaucoup de mal à l'accepter et Page avait passé de longues nuits à la consoler. Maître Namigice avait commencé à lui donner des cours particuliers, arguant qu'il était capable de lui apprendre à se guider grâce à la magie. Le résultat de ces leçons avait dépassé les espérances de la cour tout entière. Au cours des premières semaines, la princesse peinait à aller se soulager toute seule. Dès lors, rien d'étonnant à ce que son apparition dans la salle de classe un matin ait provoqué un véritable événement.
« D'après maître Namigice, mon don pour la magie s'est révélé précocement pour compenser la perte de la vue. Si je dois croire ce qu'il m'a dit, mes pouvoirs sont encore très loin de ceux que j'aurais quand je serais grande, mais c'est suffisant pour que j'y voie. Lui avait répondu la princesse quand Page lui avait demandé comment elle avait été capable d'escalader les branches jusqu'à la classe.
— Tu veux dire que tu y voies aussi bien qu'avant ? avait demandé Sarah, la fille d'un baron du duché de Vialacta.
— Je n'y vois pas vraiment. L'avait détrompée Grace. En fait, c'est comme si je pouvais savoir où tu es, où sont tes cheveux et tes yeux, sans en connaître la couleur. »
Les mois passèrent, le printemps arriva et avec lui de nouveaux visiteurs venus du duché voisin. Le duc Jerrerrikon d'Asvel avait bien fait comprendre lors de son départ qu'il ne mettrait plus les pieds au palais. Malgré cela, il n'avait vraisemblablement pas abandonné l'idée d'influer d'une manière ou d'une autre sur la politique du Royaume. Dame Silice était de retour du duché de Vialacta et elle accompagnait la procession de la duchesse Reya d'Asvel. Le duc avait envoyé son épouse accompagnée d'une grande quantité de gardes et de serviteurs, assez pour remplir toute une aile du palais. Le roi avait été prévenu de leur arrivée au palais six jours auparavant et cette nouvelle avait mis Rissole dans tous ses états. Même Boash avait été réquisitionnée pour préparer les chambres de l'aile sud, la partie du château la plus éloignée des jardins. Le premier soir, Grace avait demandé au roi quelle serait la durée du séjour de la duchesse, mais celui-ci avait haussé les épaules en signe d'ignorance. Puis il avait rougi et avait répondu, la voix légèrement enrouée.
« Je l'ignore, la loi du Royaume stipule clairement que chaque duc ou duchesse peut bénéficier de l'hospitalité de son souverain pour lui et sa suite s'il en fait la demande. Il n'y a aucune précision sur la durée de cet accueil, alors j'imagine qu'elle restera aussi longtemps qu'elle le souhaitera. »
Ce fut d'abord l'avant-garde du convoi que Page et ses amis purent observer apparaître à l'horizon. L'acier de leurs lances semblait de cuivre fondu sous le soleil de l'aube. Les oriflammes arborant un loup blanc qui, sous l'éclat de l'aube, semblaient faites de lumière pure. On jouait de la musique dans la ville basse et les hauts murs d'enceinte de Capitale découpaient l'horizon. La procession s'embrasa quand un carrosse de bleu et de jais capta la lumière de l'astre solaire pour la changer en un maelström de teintes arc-en-ciel.
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L'HÉRITAGE DES TEMPÊTES Tome 1 La Guérisseuse, L'Érudite Et La Princesse
FantasiLe Front qui retenait les armées des Oths à l'écart du Royaume vient de tomber. Le duché de ChateauClair, dans lequel est née Aube est le premier menacé. Au même moment, la jeune fille se découvre un don pour la magie et elle doit rejoindre Capital...