Où est-il passé ? Cette question me hante depuis une décennie. Un humain détale en criant, j'abats mon marteau sur son dos, le craquement satisfaisant qu'il émet en s'affaissant m'arrache un sourire. Je pensais le trouver au château qui pique les yeux, il n'en a rien été. Deux hommes en armure se présentent pour mourir, je les exauce d'un revers du bras. Je n'entends pas leurs hurlements d'agonie. Où ? Toujours la même question. Mes yeux passent le champ de bataille au crible. Ici, mes troupes qui repoussent les cavaliers, arrachant des hennissements de terreur aux chevaux, apportant les cauchemars aux hommes qui les montent. Beaucoup tombent de leurs montures et se retrouvent piétinés par elles et les Oths qui les massacrent. Là-bas, de l'autre côté de la colline, les vestiges de cette caravane de villageois qui faisait route vers le château émet des panaches de fumée noire. Le vacarme de leur agonie est doux à mes oreilles. Je me rappelle la dernière bataille du champ de mort, les boules de feu, les éclats de la lumière qui réduit en cendres, les éclairs qui apportent la fin. Ces guerres demandaient du courage, de la puissance et de la chance. Peu d'entre nous en ont connu autant que moi. C'est sur ces champs de mort que j'ai acquis mon nom. Ehork brise-nuque. C'est sur ces champs de mort que je l'ai rencontré, l'homme qui m'a vaincu.
Maintenant que les gardiens du champ de mort ne sont plus, nous sommes entrés dans le Royaume comme la braise dans la glace. Aucun de ces hommes ne sait invoquer la lumière qui brûle, ils ne sont que du blé que nous moissonnons. Celui-Des-Flammes avait raison, le Royaume ne se résume pas qu'au champ de mort et à ses gardiens. Poussant un rugissement de guerre, je me jette dans un groupe de trois hommes hérissés de lances. L'une d'elles perce mon flanc, mon élan en brise la hampe et mon marteau m'ouvre la brèche. Je le laisse percuter le sol, dégaine mon épée et les fauches d'une pirouette élégante. J'abats celui à la lance dans mon geste, mais mon épée se coince dans ses côtes et sa chair morte protège le suivant de mon fer. Il tente de me frapper avec son épée brisée, mais je brise la coquille d'acier qui lui ceint le front d'un coup de tête. D'un geste furieux accompagné d'un grognement, je tranche en deux celui qui gênait ma lame, juste à temps pour frapper le troisième au défaut de son armure entre le menton et l'épaule. Le second, à moitié assommée, gémit au sol. Je l'écrase de ma botte. Une paysanne surgit, les bras écartés, l'air terrorisée. Elle ne sait plus où elle court, elle a les doigts tachés d'encre, sa robe ocre bientôt tachée de sang quand mon épée la perce au ventre. Elle s'effondre contre moi, émet un gargouillis. J'attrape ses cheveux blond cendré, plante mes yeux noirs dans les siens couleur cobalt. La femme a le regard vitreux de ceux qui sont bientôt morts. Son teint pâlit, elle frémit doucement, les lèvres légèrement écartées, offrant un baiser carmin. Cette humaine devait être belle, puisqu'elle l'est même dans la mort. Je la jette sur le côté, puis je rengaine ma lame avant de ramasser mon marteau de guerre tâché de sang et de boue. Je ne suis pas en danger, je suis le danger, je suis la mort.
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L'HÉRITAGE DES TEMPÊTES Tome 1 La Guérisseuse, L'Érudite Et La Princesse
FantasiaLe Front qui retenait les armées des Oths à l'écart du Royaume vient de tomber. Le duché de ChateauClair, dans lequel est née Aube est le premier menacé. Au même moment, la jeune fille se découvre un don pour la magie et elle doit rejoindre Capital...