Page Chapitre 4

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Page émergea dans un espace confiné qui sentait l'humidité. Elle ne voyait pas ses pieds et sa respiration était gênée par sa cape qui l'enveloppait. Elle s'agita et commença à trembler en constatant qu'elle avait les mains liées dans le dos. Son souffle s'affola et elle sentit les liens qui l'entouraient des pieds à la tête. Elle voulut crier, mais on l'avait bâillonnée. Elle se rappela la créature près de la fontaine et tenta de se souvenir de ce qu'il s'était passé après qu'elle ait craché son venin. Elle ne parvenait pas à s'en souvenir, mais elle priait les étoiles que quelqu'un Léanne, Altaée, Uther ou même le roi réussisse à la trouver.

« Inutile de t'agiter ainsi petite. Personne ne pourra te découvrir ici. Prononça une voix râpeuse dans l'obscurité. Le problème, c'est que même si personne ne peut venir vous sauver. Moi, je ne suis pas foutu de me sortir de ce guêpier. Cesse de t'agiter je te dis ! Tiens ! Tu ne l'as pas volée celle-là ! Tu sais que tu ne me sers à rien ? Je pourrais te tuer que ça ne gênerait personne, alors si j'étais toi je me ferais toute petite et je ferais de mon mieux pour me faire oublier. Là, tu vois, c'est beaucoup mieux comme ça. Tu pensais que tu pouvais sauver la princesse avec ton amie la fée ? Tu es si pressée de mourir ? »

Le coup que l'homme lui avait donné l'avait sonnée. Elle avait senti sa lèvre s'ouvrir sous l'impact, sa tête était partie en arrière et le craquement qu'avait émis sa clavicule l'avait emplie d'appréhension. Elle se trouva repoussée en arrière et percuta une chose molle. Aussi discrète que possible, se retenant pour ne pas pleurer, elle agita les doigts et agrippa un tissu maculé de terre et d'humidité. Elle sentit un corps chaud en dessous. La princesse était là avec eux ! Ses yeux avaient eu le temps de s'habituer à l'obscurité et elle pouvait maintenant distinguer une silhouette courbée face à elle. D'après ce qu'elle pouvait voir, l'homme semblait tendu, son corps fin était assez souple pour qu'il soit à l'aise dans un endroit aussi réduit. Il lui tournait le dos. Son coup avait déplacé le bâillon et elle savait qu'elle pouvait l'écarter de devant sa bouche, mais pour faire quoi ? Elle pouvait crier, mais son ravisseur aurait tôt fait de la réduire au silence dans la douleur. Il la bâillonnerait de nouveau et elle ne serait pas plus avancée. Elle pouvait s'adresser à la princesse, mais comment faire pour que l'homme ne l'entende pas ? Il marmonnait dans sa barbe et changeait parfois de position pour délasser ses membres. Elle pouvait peut-être attendre qu'il bouge.

Un long moment passa. Par instants, l'homme s'adressait à elles, le reste du temps il restait silencieux et désespérément immobile. Finalement, il déplia sa jambe et se gratta sous l'aisselle. Page voulut saisir l'occasion, mais il se tourna dans leur direction et se gratta la jambe. Elle se tut et continua de le regarder. Il se gratta le haut du crâne, puis le bras, puis la gorge. Ses ongles crissaient contre sa peau et il commença à émettre des petits gémissements de douleur. Ses grattements se firent frénétiques et ses gémissements devinrent exclamations de surprise et de colère. Page aperçut un reflet irisé sorti de nulle part et elle comprit.

« Princesse ! C'est moi, Page. Vous pouvez bouger ? Les fées sont venues nous aider. » Chuchota-t-elle à l'attention de la silhouette informe allongée dans le noir près d'elle.

Leurs regards se croisèrent dans l'obscurité. Les yeux bleus de Grace étaient brillants de larmes et de terreur. Leur ravisseur continuait de se gratter sans faire attention à elles. Page s'agita avec l'énergie du désespoir et les liens qui maintenaient ses mains se détendirent. Elle parvint à attraper la petite main moite que lui tendait la princesse et ses doigts remontèrent ceux de Grace pour trouver des liens qu'elle entreprit de dénouer. L'opération était rendue difficile par sa position inadéquate et la petitesse de ses mains. Elle était sur le point de découvrir le cœur du nœud, quand la princesse s'agita furieusement. Soudain, Page ne sentit plus ni les mains ni les liens de la princesse. Un craquement à sa droite la fit se retourner et elle écarquilla grand les yeux. La silhouette de l'homme réduisait à vue d'œil, ses jambes devenaient une queue reptilienne, ses bras se couvraient d'écailles brunes, réduit à la taille d'un chien, son dos se perça de deux ailes membraneuses qui se déployèrent en éclatant le tronc creux dans lequel ils étaient tapis. Sa gueule chargée de crocs claqua et ses yeux devenus deux fentes se plissèrent sous la clarté soudaine. La forêt les entourait et une véritable armée de fées les cernait. Altaée et Léanne en tête, en rangs serrés, les petites silhouettes bourdonnaient, émettant une vibration si sourde qu'elle lui avait échappé jusqu'ici. Le dragon s'agitait dans tous les sens en grognant de douleur, ses griffes labourant ses écailles où Page croyait apercevoir percer des milliers d'épines. Maintenant qu'elle y voyait, elle parvint à dénouer les liens de Grace qui se pencha tout de suite sur elle.

L'HÉRITAGE DES TEMPÊTES Tome 1 La Guérisseuse, L'Érudite Et La PrincesseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant