Le soir venu, elle se rendit chez la vieille Maggy. Elle avait revêtu une vieille robe de sa mère d'un bleu légèrement terni par le temps, mais agréablement seyante au niveau des hanches sans être pour autant trop décolletée. Jude l'avait aidée sur ce coup-là. Elle lui avait même confié un de ses bracelets de Lapis qu'elle tenait de sa grand-mère pour compléter sa tenue. Elles avaient passé un certain temps à démêler les cheveux d'Aube, celle-ci avait d'ailleurs subi les réprimandes de son amie quant à sa négligence à cet égard. En bref, elle s'était rendue aussi présentable que possible. La vieille femme l'attendait sur le pas de la porte, son éternel bâton d'if dans une main, une lanterne dans l'autre.
« Il s'est passé quelque chose. Annonça la vieille femme sans préambule. Suis-moi. »
Aube ne pensa même pas à discuter et emboîta le pas de la guérisseuse sans un mot. Toutes deux traversèrent le petit bourg d'EauClaire. La nuit était tombée et toutes les maisons ou presque laissaient filtrer des odeurs de nourriture et le bruit de conversations à la lueur des foyers. Les rues qu'elles empruntaient étaient vides, mis à part un chat ou une fouine égarée qui disparaissait à la vue des deux silhouettes qui cheminaient en silence. L'une vieille et voûtée, soutenue par un bâton surmonté d'une lanterne et la seconde, droite, fière, presque altière pour autant qu'une ombre puisse l'être. Elles finirent par entrer dans une des plus grandes maisons de la place du marché. Le lieu de résidence de Darius Fech, le Bourgmestre d'EauClaire. Le bruit des conversations se fit de plus en plus fort à mesure que la vieille Maggy la guidait à travers un vestibule, puis un couloir avant de déboucher dans une salle haute de plafond où étaient réunis les membres du conseil du village. Une longue table s'étalait d'un bout à l'autre de la pièce. Elle était chargée de documents, de restes de repas, de carafes, de vin, d'orangeade, d'eau et de nombreux gobelets entamés. Quelques globes lumineux semblaient suspendus deux mètres au-dessus de la table. En dessous, une dizaine d'individus qu'elle connaissait au moins de vue discutaient avec véhémence, le dos tourné à la porte d'entrée que les deux femmes venaient de franchir. Maggy fit claquer sa canne contre le parquet à deux reprises, attirant l'attention des autres sur elles.
« Ah ! Maggy ! Je t'attendais. Par pitié, aide-moi à insuffler un peu de cœur à ces pleutres ! S'exclama Victor. Le fils du boulanger avait les cheveux blonds et sa mine pouponne malgré ses trente hivers rendait ridicule son emportement, son visage rubicond luisait comme la peau d'une tomate au soleil. Aube gloussa, Maggy émit un bruit de bouche réprobateur avant de braquer son regard dans celui de Darius qui les contemplait silencieusement depuis le bout de la table.
- Darius. Ne me dis pas que certains ici ont l'idée stupide de rester au village, ou pire ! De se battre !
- Je ne le dis pas dans ce cas. Répondit le Bourgmestre de sa voix douce comme du velours. Il avait l'air sombre sous sa tignasse hirsute de cheveux noirs, le visage mangé par une barbe mouchetée de rouille.
- Stupide ? Rugis, Victor.
- Oui, stupide. Acquiesça Maggy, forçant d'un geste le jeune homme à baisser les yeux, ce qu'il fit au plus grand plaisir d'Aube.
- Mais nous ne pouvons pas abandonner ces terres ! Les moissons ne sont pas achevées ! Comment va-t-on passer l'hiver ? S'exclamèrent trois hommes qu'Aube reconnut comme des paysans. L'un d'entre eux était Ambrois, le patron d'Hérénam et Karib.
- Nous ne passerons pas l'hiver si les Oths fondent sur nous. S'ils passent par ici, ils raseront ce village plus facilement qu'on rompt une miche de pain frais sorti du four. Pour parler dans ton langage Victor. Aube se tourna vers celui qui avait pris la parole. Il n'avait pas élevé la voix plus que nécessaire pour que quiconque dans la salle l'entende. Il avait prononcé ces mots sans la moindre émotion, son visage aussi fermé que son ton était ferme. Ilias. Que faisait-il ici ? Une seconde...
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L'HÉRITAGE DES TEMPÊTES Tome 1 La Guérisseuse, L'Érudite Et La Princesse
FantastikLe Front qui retenait les armées des Oths à l'écart du Royaume vient de tomber. Le duché de ChateauClair, dans lequel est née Aube est le premier menacé. Au même moment, la jeune fille se découvre un don pour la magie et elle doit rejoindre Capital...