L'HÉRITAGE DES TEMPÊTES Tome 1 La Guérisseuse, L'Érudite Et La Princesse

Page Chapitre 5

Le quotidien du palais vert se trouva complètement chamboulé par la suite. Le roi tint sa promesse et se rendit dès le lendemain dans les jardins. Il en sortit au crépuscule et déclara que les fées ayant prouvé leur loyauté au Royaume, elles étaient désormais de nouveau admises dans les couloirs du palais. De plus, Altaée obtint un siège au conseil du roi et le droit de s'asseoir à la table d'honneur lors des banquets officiels. Légitimement, le duc d'Asvel s'offusqua de ces décisions et quitta le palais avec fracas. Page, Jimmy et Léanne le regardèrent partir en tête de sa colonne de cavaliers en partageant un gâteau au miel confectionné par le marmiton.

Les fées étant désormais les héroïnes du palais, les habitants les traitaient avec respect et déférence et Page avait pu présenter Léanne à Jimmy. Depuis, quand elle n'était pas avec Page, la petite fée gazouillait de ravissement aux cuisines, suivant le marmiton comme son ombre. Jimmy ne s'en plaignait pas, au contraire. Il avait expliqué à Page que ses pâtons levaient plus vite que ceux de autres et que plus aucune de ses préparations ne brûlait, même s'il l'oubliait sur les flammes. Il semblait prendre la présence de la fée comme une bénédiction. Léanne n'en finissait pas de rougir sous les compliments du marmiton et Page commençait à s'inquiéter de la trouver un jour complètement changée en une tomate rouge et lisse.

La princesse Grace n'avait pas quitté sa chambre. Uther avait fait venir de nombreux mages de partout dans le royaume pour tenter de la soigner. Page apprit rapidement que la première chose qu'avait demandé la princesse en se réveillant, c'était si elle allait bien. La pupille du roi avait été touchée de cette attention et avait tenu à aller se présenter à la princesse pour la remercier, mais on lui avait refusé l'entrée. Grace resta alitée plus de deux semaines, période durant laquelle Uther ne quitta presque pas son chevet. La reine n'apparaissait plus au dîner le soir et même le roi semblait morose. Le palais s'était vidé de la plupart de ses nobles et même dame Silice avait accompagné le duc de Vialacta pour un hivernage dans son château. Sans les fées et leur babillage frénétique le long des couloirs, le palais aurait semblé bien morne au cours de cet hiver. Le magicien du palais n'assurait plus les cours du matin et Page avait considéré cette pause comme l'occasion de passer plus de temps avec ses amis, elle déchanta rapidement. Moins d'une semaine plus tard, Schaps vint frapper à la porte de la chambre de Page alors qu'elle tentait de convaincre Léanne qu'elle ne pouvait pas se rendre dans les cuisines quand elle le souhaitait.

« Le roi a dit que nous étions admises dans tout le palais. Avait déclaré Léanne en relevant le menton d'un air altier.

— C'est vrai, mais je ne donne pas cher de ta peau le jour où Rissole décidera qu'elle en a assez. Lui avait rétorqué la pupille du roi.

— Rissole... C'est la grande avec le tablier ? avait babillé la fée.

— En effet. Lui avait affirmé la fillette.

— C'est la plus gentille ! avait éclaté Léanne. Elle m'a fabriqué un petit nid de torchons dans un creux douillet du foyer. Assez haut pour que je puisse voir toute la cuisine. Avait-elle ajouté au moment où le poing de l'intendant percutait sa porte.

— Entrez ! avait lancé Page, s'attendant à voir Boash apparaître dans l'entrebâillement.

— Dame Éliane ? Le roi a demandé à vous voir. Avait annoncé Schaps de sa voix de velours.

— Le roi ? avait-elle demandé, interdite.

— Vous parlez sérieusement ? avait gazouillé Léanne en virevoltant au-dessus du crâne chauve de l'intendant.

— Je parle sérieusement, et je me permets d'ajouter que vous n'êtes malheureusement pas concernée par cette invitation. Cependant, j'ai cru comprendre qu'un certain Jimmy se languissait de son amie la fée. À ces mots, la petite fée se redressa, rougit et disparut dans le couloir dans un tintement d'expectative.