Chapitre 31

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Le lendemain matin à l'aurore nous quittâmes la tour de lumière, je promenais mon regard une dernière fois sur cet immense bâtiment, brillant sous le soleil levant et à la bulle verte commençant à son sommet. J'espérais ne jamais avoir à y retourner, et surtout j'espérais qu'Akuma se trouvant quelque part au sein de ses murs était saine et sauve.
Nous n'eûmes aucun problème à prendre un train vers le cercle inférieur. C'était une fuite sans personne pour nous poursuivre, une mise à l'abri sans réelle connaissance du danger.
À notre arrivé à l'usine Mayel ne s'y trouvait pas, il devait encore être chez lui en compagnie son petit frère. Effo était allongé sur un matelas, ses yeux étaient fermés, je jetais un regard à Puly, espérant que nous ne l'avions pas réveillé.
"Qu'est-ce que vous faites la aussi tôt ? Demanda-t-elle en se redressant doucement".
Je pris une grande inspiration, je ne savais pas du tout comment expliquer la situation. Je pris place sur une vieille chaise tout en cherchant mes mots.
"-Une de nos amies s'est fait enlever par la tour de lumière. Nous venons ici pour qu'il ne nous arrive pas la même chose le temps de la retrouver, récita Puly avant que je n'aie le temps de dire quoi que ce soit.
-Bien sûr si ça te dérange nous pouvons aller autre part ! rajoutais-je maladroitement.
L'expérience nous sourit tristement.
-Non il n'y a aucun problème à rester ici, j'espère que votre amie va bien"
Le ton habituellement mélodieux de sa voix était brutalement devenu bien plus rauque et grave.
Nous avons doucement déposé nos affaires, tout en refaisant l'organisation de la pièce afin que nous puissions dormir à trois à l'intérieur. Aucun de nous n'effectuait cette tâche de façon très enthousiaste, la suite des événements incertaine avait rempli la pièce d'une atmosphère pesante.
L'électricien finit par nous rejoindre. D'abord étonné de nous voir ici, il se mit à nous aider après quelques explications.

Très vite une forme de routine s'installa. Nous passions nos journées à ne rien faire assis dans la pénombre de l'usine désaffectée. Les sujets de discussion ne nous plongeant pas dans une angoisse constante se faisaient de plus en plus rares. Mayel faisait comme s'il ne s'était rien passé sur la muraille, mais je ne pouvais m'empêcher d'éviter son regard, d'éviter de lui parler ou juste de me trouver seul dans la même pièce que lui. J'avais pourtant envie de lui parler, de m'excuser pour la dernière fois, mais je m'en sentais physiquement incapable.
Je ne sortais plus, on avait beau m'assurer que personne ne nous recherchait et que nous n'étions pour l'instant pas en fuite, je me refusais à sortir. À l'intérieur les journées se ressemblaient, toutes grises et froides. Au fil de mes insomnies, la différence entre nuit et jour se dissipait peu à peu. Nous équilibrions tant bien que mal les moments seuls ou en groupe pour ne pas finir fous dans l'attente. L'attente... Elle ne faisait que s'allonger, pompant notre air et notre énergie. Comment savoir si Akada et Nali ne se sont pas à leur tour fait enlever ? Si Akuma allait bien ? Si dans une minute, ou dans dix jours des hommes de la tour de lumière ne partirons pas à notre recherche. Peut-être que fuir sans aucun moyen de rentrer en contact était une mauvaise idée.
Néanmoins Effo arrivait à remonter le moral général avec habilité, de sa voix chantante elle nous racontait des choses qu'elle avait pu voir suite à sa fuite de la tour, nous expliquait pourquoi nous n'avions pas à nous inquiéter et que quoi qu'il arrive nos amies s'en sortirait. Ses différents récits faits au fil des jours se contredisaient souvent entre eux. J'avais beau me rendre compte que ce qu'elle nous présentait était rarement, voir jamais vrai, je ne pouvais m'empêcher d'y croire, de m'y accrocher comme s'il s'agissait de l'unique vérité.

Pour garder la tête sur les épaules Puly avait trouvé une autre alternative. Durant le temps qu'il avait passé avec Akuma à la tour de lumière, elle avait eu le temps de lui apprendre les bases d'une croyance qu'elle partageait avec de nombreux humains. Ils nommaient ça une religion, appelée "la route des âmes", et bien que le principe m'échappe fortement, Puly commença lui aussi à prier les esprits se trouvant théoriquement autour de nous.
L'intérêt avait beau m'échapper, je voyais bien que cela faisait du bien à l'axolotl. C'était le plus important. Le jeune garçon avait beaucoup de difficulté à gérer la situation et je faisais de mon mieux pour avoir l'air sur de moi et confiant afin de pouvoir le rassurer au mieux.

Cela faisait déjà trois semaines que nous nous trouvions ici. L'usine était maintenant organisée en plusieurs pièces distinctes afin de ressembler au mieux à une maison. Pourtant ça ne faisait pas illusion. Je m'étais isolé dans une vielle pièce délabrée au second étage où devait se tenir un bureau. La pièce centrale de l'usine était visible à travers une baie vitrée brisée et obscurcie par la poussière. Je me balançais nerveusement sur la vieille chaise de bureau, tout en observant Puly et Effo rire plusieurs mètres plus bas. Un bruit me sortit de mes pensées, c'était Mayel qui venait de toquer à la porte à moitié sortie de ses gonds.
"-Je peux entrer ? demanda-t-il en expulsant machinalement les mèches de cheveux lui tombant devant les yeux.
-Oui bien sûr..."
Le garçon se posa sur un autre fauteuil posé un peu plus loin. Il regarda à son tour par la baie vitrée sans rien dire. Je l'observais du coin de l'œil. Durant ces longues semaines j'avais eu mille fois le temps de m'imaginer quoi lui dire, et d'essayer de comprendre ce que je ressentais. La conclusion qui s'était imposée à moi n'était pas vraiment celle que j'espérais.
"-... Mayel ? prononçais-je en tentant de cacher l'hésitation de ma voix. Par rapport à ce qu'il s'était passé...
-On peut faire comme si de rien était, si tu veux, me coupa-t-il. Juste oublier et repartir. C'était plutôt clair, ne t'inquiète pas.
- Oui on peut faire ça..."
J'enfouis ma tête dans mes genoux, je n'avais pas envie que l'on fasse ça. Il n'y avait rien du tout de "clair" dans tout ça à mon sens.

 Il n'y avait rien du tout de "clair" dans tout ça à mon sens

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Existium SilvamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant