Le livre que je venais de terminer était passionnant ! Il racontait l'histoire d'une fille à qui, un jour, des ailes avaient poussé dans le dos. Elle apprenait ensuite qu'elle n'était pas humaine et qu'elle était surveillée depuis toujours. On lui apprenait aussi que ses parents n'étaient pas les siens. Alors, elle partait à la conquête de sa véritable identité. Cette histoire était tout bonnement inventée mais je m'y étais plongé corps et âme.
Un petit peu trop d'ailleurs... j'avais dévoré le livre pendant tout le week-end !
Sans manger ni dormir.
J'avais quand même bu mais je peux garantir qu'Isabelle avait pesté pendant les trois jours. Elle était restée seule, sans personne à qui faire la morale.
Je l'avais surprise dans le hangar à se défouler sur le punching-ball où elle criait en tapant : « Aram, prends-ça ! ». Je savais qu'elle ne m'aimait pas. Mais de là à faire croire que j'étais un punching-ball sur lequel elle frappait de toutes ses forces, cela m'avait vraiment vexé !
J'avais cru du bon en elle car quand on déteste quelqu'un, on s'y attache tout de même un peu et même si elle me rendait la vie dure, je ne pensais pas que du mal d'elle. Je croyais que quand elle me reprenait ou me grondait, c'était qu'elle avait un minimum d'inquiétude à mon égard. Alors la voir, me frapper sur un punching-ball, m'avais lacéré le cœur.
Ce lundi matin, lorsque je descendis après avoir terminé mon livre, je n'osai plus parler à Isabelle. A ma vue, elle grogna et remis son nez dans sa tasse de thé fumante, mais j'eus le temps de percevoir un éclat de satisfaction dans son regard.
Comment était-ce possible ? La veille, je l'avais vue se déchaîner sur ce punching-ball comme une folle. C'était la première fois depuis que je la connaissais qu'une faible lueur d'appréciation envers moi effleurait ses yeux !
Non ! Ce n'était pas possible, j'avais dû rêver. Et pourquoi aujourd'hui aurait-elle cette lueur ? Alors que je ne l'avais pas vue pendant trois jours et que je n'avais rien fait pour être sympathique avec elle. Serait-elle bipolaire ? Non, impossible aussi, elle n'était jamais joyeuse !
Pendant que je me questionnais sur son étrange comportement, elle sirotait bruyamment son thé.
Je pris place à l'autre bout de la table et commençai à croquer ma tartine de confiture.
Isabelle toussota.
- Aram, l'inspecteur vient de m'appeler, il viendra demain comme tous les 5 ans pour regarder si je m'occupe bien de toi. Il sera là pendant toute la semaine. Alors, j'aimerais que tu te comportes bien, pas comme les années précédentes, m'avertit-elle toujours avec cette même lueur dans les yeux.
Il paraît qu'à mes deux ans, j'avais braillé à l'inspecteur : « Maman partie à jamais, elle z'est z'une imposteuze qui m'aime pas », pointant du doigt Isabelle.
Ensuite à mes 7 ans, je lui avais dit que c'était la première fois qu'elle me nourrissait car elle avait voulu faire bonne impression pour ne pas perdre son travail. Elle avait ricané d'un rire jaune et l'inspecteur après nous avoir dévisagés de la tête aux pieds, s'était mis à rire aussi. Vexé, j'avais pleuré en hurlant : « Mais c'est vrai, elle pose les aliments devant moi et je dois me débrouiller à chaque fois ! »
Après, à mes 12 ans, j'étais rentré tard et l'inspecteur m'avait demandé où j'étais parti. J'avais répondu que j'étais allé tester une nouvelle attraction en haut de la France car Isabelle n'avait pas voulu m'emmener.
Surpris, il avait renchéri : « Tout seul ? »
- Oui, j'ai pris le train !
Il m'avait regardé stupéfait et s'était retourné vers Isabelle.
- Madame, vous êtes inconsciente de le laisser partir dans le Nord de la France seul. Il n'a que 12 ans, il n'est encore qu'un enfant..., l'avait-il sermonnée.
Elle l'avait coupé.
- Mais voyons, n'écoutez pas cet enfant ! Il était seulement chez son ami qui habite dans le Nord de la France et sa mère l'a raccompagné ici. Il ne dit que des sottises, avait-elle menti.
C'était comme ça à chaque fois, lorsque je disais la vérité, Isabelle me reprenait en changeant totalement la face des choses et c'était moi qui passais pour un idiot.
La phrase que venait de dire Isabelle était la goutte de trop ! J'avais toujours dit la vérité, c'est elle qui mentait. Comment pouvait-elle me demander d'avoir un comportement correct !
Une animosité sortie de nulle part explosa. Je me levai brusquement de ma chaise et la balançai violemment sur le côté.
Isabelle me regarda abasourdie prise au dépourvu. Elle allait m'aboyer dessus mais j' hurlai plus vite qu'elle.
- C'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Tu me demandes de me comporter correctement et tu ne crois pas que c'est ce que je faisais pendant toutes ces années ! Je n'ai fait que dire la vérité à ce foutu inspecteur et toi tu as préféré mentir en disant que j'étais un sale gosse et que j'inventais tout. Tout ça pourquoi ? Non, pas pour rester avec moi mais parce que tu ne veux pas perdre ton travail. Qui d'ailleurs est le seul que tu puisses faire ! Ah non parce que ce travail tu le fais très MAL !
Furieux, je sortis de la cuisine en claquant la porte et partis me préparer pour le lycée.
Comment ai-je pu croire un instant qu'elle avait un soupçon d'intérêt pour moi ? Je m'étais complètement trompé, ça aurait été trop étrange que du jour au lendemain, elle me porte de l'affection. J'étais trop naïf !
Je traversai la maison furibond, après avoir ramassé quelques vêtements que j'avais recueillis dans un sac bleu ficelé de noir. Quand j'atteignis la porte, Isabelle me demanda au bord de la panique.
- Qu'est-ce que tu fais avec ce sac bleu ?
- Je pars dormir chez Kirane, annonçai-je.
Elle serra les dents jusqu'à faire un grincement horrible.
Son opinion m'était totalement égal. Quoiqu'elle pensait, je ne resterai pas une minute de plus ici.
Faire une pause sur son visage, ses cheveux blonds, sa manie de dire « franchement », ses violents coups sur le punching-ball, son haleine glacée, son égoïsme, ses mensonges... Ceci cesseraient pendant quelques jours.
Sa bouche enfin décollée, elle ordonna.
- Cette semaine ce n'est pas possible, Aram. L'inspecteur, y as-tu pensé ? Non, puisque comme d'habitude, tu ne mesures pas les conséquences de tes gestes.
- Cet inspecteur commence sévèrement à me fatiguer ! Qu'il aille se faire voir ! crachai-je.
Avant de refermer la porte, je perçus sa flamme d'affection se transformer en une énorme boule de colère.
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[ EN PAUSE]La chute du Honey Transform
ParanormalLe Honey Transform est un miel qui guérit les animaux blessés. Mais, si une PSE ou un PLE, habitants de Springflow en boivent, ils en meurent. Étincelle, gardienne de ce miel, prend un jour de congé, remplacée par un gardien apprenti. Malheureuseme...