Attention à la marche

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Les véhicules rentraient dans la cour les uns après les autres. Les voituriers les plus chanceux avaient le droit à un sourire de leur employeur, là où d'autres ne daignaient même pas à leur adresser un moindre regard. Tous les étudiants attendaient les invités au garde à vous, c'était assez impressionnant de voir une tête de gland comme Jean être aussi calme. Pour ma part, tout ce que je souhaitais c'est que la maudite rencontre débute et que tout le monde se disperse pour vaquer à ses propres occupations.

À ma droite, Sasha, elle tripotait une lettre dans sa main, à en juger par l'expression de son visage, celle-ci annonçait une bonne nouvelle. À ma gauche j'apercevais Mei-Li, elle resplendissait d'un sourire éclatant, peut-être même un peu trop forcé. Elle portait élégamment l'uniforme de l'école, ses cheveux étaient coiffés d'une longue tresse soigneusement plaquée, pour finir, elle avait opté pour un maquillage léger de ses lèvres et ses yeux. À côté je devais ressembler à un libraire en fin de stage qui attendait l'appréciation de son supérieur pour tailler la route, la honte.

Soudain la directrice nous rejoignit, accompagnée de son secrétaire et du président du conseil d'administration. Ce monsieur affichait toujours un air strict, il se tenait droit, la tête haute et surtout, il avait cette fâcheuse habitude de toujours toucher sa barbe avant de saluer une personne. Dans le style rassurant touche le jackpot avec le président. Quoique l'on m'a toujours dit de ne jamais me fier aux apparences, le président était peut-être un grand fan de magie qui passait son temps à regarder les classiques de Disney avec ses enfants :

« Tu crois qu'on va attendre encore longtemps ? J'ai super faim. Sasha... Pourquoi es-tu autant, Sasha ?

— Je pense que nous sommes en train d'accueillir les dernières voiture.

— Oh ! La bouche de mon amie s'étira à en tomber par terre, je suivis son regard vers une voiture noire aux vitres totalement tintées qui venait de faire son entrée dans la cour.

— Qu'est-ce que tu fixes comme ça ?

— Tu vois l'insigne sur le devant du capot de cette voiture ? Dit-elle en désignant le 4x4.

— Heu, ouai.

— Il s'agit de la marque de la septième fortune d'Europe, qui se trouve être une femme. Je n'arrive pas à croire qu'elle ai fait le déplacement !

— Quoi ? De quoi tu parles Sasha ? Qui est la septième fortune ?

— Tu verras ! Ohlala j'ai hâte de la voir en vrai, j'espère que les magasines l'ont pas trop photoshoppé. Je détournais mes yeux de Sasha en lui souriant faussement, je n'avais absolument rien capté de ce qu'elle venait de dire. Quoiqu'il en soit, que cette femme soit une célébrité ou non, ça me passait bien au-dessus.

— Attends je rêve ou, c'est la PDG des caves « Olympia Wine» ?! S'écria à son tour Mei-Li.

— Olympia quoi ? Mais c'est quoi votre problème avec cette femme ? Pourquoi vous phaser tous sur sa voiture ?! Mei-Li m'ordonna de baisser d'un ton avant de rire de mon incompréhension.

— Tout ce que je peux te dire c'est que si tu es amené à lui adresser la parole, ne lui parle jamais de rosé.

— Non mais ça ne me dit toujours pas qui elle-

— Jeune gens ! Veuillez vous ranger par promotion. Chaque salle de réception ont été préparée de sorte à faire rentrer les étudiants par ordre alphabétique. Veuillez rejoindre de suite la salle qui vous ai attribué. » Annonça le président du conseil en désignant les différents couloirs à emprunter.

Tout d'un coup je me sentais comme Harry Potter qui découvrait Poudlard, jamais je n'avais imaginé l'école aussi grande.


...


Les rangées furent formées, et honnêtement j'étais rassuré de me trouver à côté de Jean, pour une fois. Cette ambiance quelque peu royale me stressait, pourquoi en faire autant ? Nos parents n'étaient pas des seigneurs non plus, si ? Certains d'entre nous faisait parti de familles riches mais est-ce que cela nécessitait d'entamer autant de protocoles ? Intrigué de savoir qui se plaçait en tête de file, je penchais doucement la tête pour observer l'heureux gagnant, parce que oui, en plus de nous avoir ordonné de nous placer par ordre alphabétique, ils nous ont demandé de dissocier les filles des garçons. Quelle plaisanterie. Sous prétexte que « les traditions sont les traditions » et blablabla :

« Tu ne rêves pas Jäger, c'est bien ton prince charmant qui est en tête de file. Le veinard.

— Ta gueule Jean.

— Ça m'énerve, Livaï est le premier à s'en foutre de tout ça et j'ai bien l'impression que depuis le début de l'après-midi la directrice ne fait que de lui lécher les bottes.

— T'es si jaloux que ça ? Tu me fais pitié Kirstein.

— Non mais sans déconner- ah ! Bah regardes, la directrice arrive, et mates vers qui elle se dirige. Je posais rapidement ma main sur la bouche de Jean afin d'observer sans ses commentaires la scène devant mes yeux. Effectivement, la directrice démontrait une certaine courtoisie envers Livaï, là où elle salua d'un bref signe de tête la première étudiante de la file des filles. Je relâchais ma main du visage de Jean.

— Je rêve où elle lui a souri en lui donnant des clés ?

— Tu vois. J'sais pas ce que ton petit ami nous cache mais il est évident qu'il a une place particulière au sein de l'université. »

Cette remarque de Jean aurait pu me faire rire mais bizarrement, je ressentais tout l'inverse, j'enrageais intérieurement. Malheureusement ma réflexion s'arrêta quand le personnel se plaça devant la porte du couloir pour signaler l'arrivée des adultes. Putain s'ils osaient nous demander de nous prosterner ou une merde de ce genre, je jure de péter le pire scandale de l'Histoire :

« Messieurs, mesdames, veuillez vous préparer pour la rencontre. »

Les chuchotements des étudiants grisaillaient dans mes oreilles, Jean remit soigneusement son uniforme avant de me faire un clin d'œil complice. La porte s'ouvrit pour laisser entrer la première famille, qui semblait être autre que celle de Mei-Li, à en juger par son enthousiasme :« Ta mère s'est déplacée ? Demandais-je à mon voisin.

— J'espère que oui, j'ai envie d'intégrer la session « d'art et débat » en janvier. Elle saura avoir les bons mots pour me présenter à l'enseignante.

— T'es pas fichu de faire ta lettre de demande toi-même ? Ta mère ne sera pas toujours là pour te sauver les mic-

— En parlant de « mère », c'est qui le mec qui accompagne la tienne ? »

Mon visage pivota rapidement vers l'entrée quand j'aperçus ma génitrice avec « cet » homme. Putain, qu'est-ce qu'elle foutait ? Mon sang circulait à mille à l'heure dans mes veines, j'allais imploser. Le temps s'arrêta autour de moi, je fixais le sol car c'était le seul élément qui me paraissait inerte et qui m'empêchait d'avoir le tournis. Mes yeux se remplirent d'eau mais je ne laissais aucune larme tomber, pas pour ça. Tout d'un coup je sentis une légère pression sur mon épaule et une voix douce m'interpeller :

 « Bonjour mon fils, comment tu vas ? » 


Mon visage se releva, mes yeux ne pleuraient plus, je fixais ma mère d'un regard froid alors qu'elle, elle me souriait, chaleureusement qui plus est. Je sentais qu'elle m'était sincère mais ça ne suffisait pas.

L'université est un bataillon d'explorationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant