Une souffrance acquise

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Pour passer inaperçu, c'était complètement raté. Sasha pâlissait à mesure que les deux garçons se crachaient des obscénités dans la figure. La source du conflit elle-même résultait d'une incompréhension chez l'un, comme chez l'autre. Globalement, les humains consentaient que très peu de formes de tolérance, car pour beaucoup, leur vécu, leur souffrance et leurs acquis se plaçaient indéniablement au-dessus de tout ce qui s'apparentait à l'ordre du complexe.

Jean, ce jeune homme pourtant passionné de découvrir ce qu'il ne connaissait pas, ne pouvait à cet instant comprendre pour quelle raison Eren lui avait menti, ou du moins s'était abstenu de lui partager cet élément de sa vie. Oui, pour Jean, cacher une telle différence dans un environnement aussi élitiste et académique qu'Oxford relevait de l'inconscience et parallèlement, pensait-il qu'Eren souhaitait s'auto-saborder en révélant cette situation ? Et là où Jean y voyait une inconscience évidente, Sasha notamment – qui ne s'était pas gardée de révéler elle aussi son trouble – ne put s'empêcher de rappeler au châtain qu'une différence ou plus encore, une situation de handicap, ne définissait en rien un individu. Une personne qui plus est, se préparait à tout pour rendre son existence la plus commune possible.

Du côté d'Eren, il était inconcevable de comprendre Jean, qui lui mettait négligemment tous les handicaps dans le même panier. Car pour lui, adhérer à une politique qui viserait à croire qu'un handicap ne demeurait pas un élément à prendre en compte pour considérer une personne dans son ensemble, reviendrait à invisibiliser cette personne dans son handicap et par conséquent, la rendre encore plus vulnérable. Jean ne voyait aucun mal à ce qu'une personne puisse vivre une situation de handicap, là où il avait du mal à entendre, c'était le fait de le cacher quand l'individu avait pleinement conscience de sa condition. Oh, ils étaient nombreux dans le groupe à trouver cette manière de penser réductrice et condescendante. C'était simple, pour Livaï, l'importance même de se pencher sur ce genre de question quand celle-ci ne nous concernait en rien, relevait de l'arrogance même.

Eren ne savait plus s'il devait s'en vouloir à lui-même de ne pas avoir pris en considération toutes ces données... De ne pas avoir pu envisager qu'un camarade, qu'il pensait être son ami sincère, puisse vouloir remettre en cause sa propre moralité. Parce qu'effectivement, en théorie Eren ne réfutait pas l'entièreté des propos de Jean. Le brun ne savait seulement pas comment les analyser, car pour lui, il aurait seulement souhaité une réaction directe et classique de la part du plus âgé. Une réaction qu'on pourrait facilement considérer de « bonne » ou « mauvaise » mais certainement pas moralisatrice et sociologique.

Car à cet instant, Eren doutait, il doutait de sa pertinence et de sa force à avoir réussi à accomplir tout ce chemin par lui-même.

« La ferme Jean ! T'en as assez dit ! J'te jure que si tu prononces un mot de plus, j'envoie l'enregistrement à la directrice. S'énerva Connie en dévoilant l'écran de son portable qui, depuis l'instant où le châtain avait développé sa vision des choses dérapa.

— Tu m'as enregistré ? Je rêve on est où là ?! T'es au courant que c'est interdit et largement puni par la loi Connie ? On fait quoi là ? Le tribunal des connards ? Eren, peut-être que je me trompe dans ma façon de penser et j'aimerai que tu me prouves le contraire. Mais putain, ne viens pas me dire que tout ce que j'ai dit est faux, parce que tu sais où je veux en venir. Si des lois, des instances de protection et des professionnels existent pour palier aux situations de handicap, on ne peut décemment pas toujours défendre le fait qu'un individu est dissociable de son handicap ! Si ?!

— Mais de quels handicaps tu parles Jean ?! Sois clair ! Dis les termes ! Pourquoi tu mets obstinément tout le monde dans le même panier ?! Te connaissant tu dois avoir en tête un handicap des plus pathologiques non ? Par exemple, comparer nos troubles dys avec une schizophrénie serait complètement aberrant ! Tu vois bien que les profils ne se comparent pas ! Et ne crois pas que je suis en train de me dire meilleure qu'une personne atteinte de troubles schizophréniques ! Là ne sont pas les propos ! J'suis seulement en train de te dire que merde, tu ne peux pas mettre tout le monde dans le même panier ! C'est quoi ton problème ? T'as peur d'Eren ? De moi ? Avant qu'il ait pris son courage à deux mains pour nous partager sa dyslexie, le cours de ta vie allait très bien non ? Moi j'pense juste que tu refoules une peur injustifiée pour quelque chose que tu ne comprends pas !

L'université est un bataillon d'explorationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant