Chapitre 4

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Une semaine

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Une semaine. 

Cela fait une semaine que Jake travaille sans relâche sur un dossier, enchaînant les insomnies et les cafés dans son bureau au bout du couloir. Cependant, il est tard et je pensais qu'il aurait une pensée pour moi. Juste aujourd'hui, le huit avril. 

Néanmoins, le travail semble occuper ses pensées, et à l'évidence, me faire sombrer dans l'oubli. C'est comme ça depuis quelques années, mais il n'avait jamais oublié mon anniversaire. C'est nouveau. 

Ma famille oublie constamment. Mais pas lui. Jamais lui. 

Certaines personnes ne comprendraient pas, j'en suis sure. Il remplit nos comptes en banques et me permet de faire ce que je souhaite de mes journées. Pourquoi me plaindre ? 

Je suis pour la seconde fois dans la salle d'attente du cabinet d'Atlas Jaeger, essayant de contenir mes larmes avec difficulté. Cette fois, personne n'est présent. Les collègues du psychologue ont sûrement dû quitter leur lieu de travail depuis un moment. 

Finalement, mon psychologue ouvre la porte de son bureau accompagné d'un jeune homme au visage fermé. Ce dernier me rappelle vaguement mon mari à son expression impénétrable. Une vague de colère me submerge alors. Comment peut-il oublier quel jour nous sommes ? J'inspire, laissant le parfum aux pétales de roses me submerger et m'apaiser avant de rejoindre Atlas Jaeger dans son bureau. 

Comme la dernière fois, nous nous asseyons face à l'autre. Moi sur le canapé noir, lui sur son fauteuil. Un lourd silence s'installe entre nous, et l'envie de le détailler me revient aussitôt alors que je n'ai pas songé à lui de toute la semaine. Sa beauté est aussi envoutante que dans mon souvenir. C'est déstabilisant. 

— Bonjour, madame Meadows, commence le psychologue en plongeant ses iris dans les miennes. 

— Bonjour. 

Mon regard s'attarde sur son alliance. Elle est toujours là, et curieusement, je suis déçue. 

À quoi m'attendais-je ? À ce qu'il divorce avec sa femme en une semaine ? Et puis, je suis mariée. 

Les mots de Jake me reviennent en mémoire. Tu fais la salope avec la classe londonienne maintenant, c'est ça ? Ce n'est évidemment pas vrai. Mais pourquoi mon beau psychologue me fait tant d'effet ? Peut-être que Jake voit clair dans mon jeu, après tout. 

— Comment s'est passée votre semaine ? 

Je me suis noyée dans le travail pour oublier l'absence de mon mari. J'ai ignoré la cuisinière, négligeant ma propre méchanceté. J'ai volontairement délaissé les messages de ma meilleure amie en non lus. Je me suis enfermée dans ma bulle, espérant qu'aujourd'hui, je retrouverai de l'importance. 

— Bien. 

Je ne sais pas s'il me croit, mais si ce n'est pas le cas, il n'en laisse rien paraître. Si le docteur Colin Samson était devant moi, à la place d'Atlas Jaeger, il aurait froncé des sourcils, me donnant un indice sur ce qu'il pense réellement. Mon nouveau psychologue était beaucoup plus malin que ça. 

— Et aujourd'hui ? 

Je me tortille, mal à l'aise, sur mon siège. Je le vois oser un regard sur mes cuisses dénudées. Cependant, je n'y prête pas attention. Il analyse seulement ma gestuelle, je le sais.

Ou peut-être qu'il ressent aussi la boîte se refermer sur nous ? 

Non. Il est marié. Moi aussi, d'ailleurs.  

— Nous sommes le huit avril, aujourd'hui. 

Il reporte son regard sur mon visage, impassible.

— Effectivement. 

Il attend mon développement, ma confession. Mais je suis mal à l'aise. Je me sens honteuse. Honteuse parce que mon mari me délaisse. Honteuse parce que ma famille ne m'appelle jamais si ce n'est pour un besoin ou un reproche. Honteuse parce que je ne vois plus l'intérêt de sortir avec mes amis. Et que par ma faute, ils ont oublié mon anniversaire. 

— C'est mon anniversaire. 

Je baisse les yeux tandis que mes joues se colorent légèrement. 

Je ne suis pas très douée pour dire aux autres ce que je ressens. C'est pour cette raison que je ne le fais jamais. 

— Je n'ose même pas le dire à voix haute, confessée-je, fixant mes cuisses dénudées comme mon psychologue plus tôt. 

Il ne répond pas. 

— Mon mari a oublié mon anniversaire. Ainsi que ma famille et mes amis. 

Je garde la tête baissée comme une enfant qui vient de se faire gronder parce que je ne trouve pas le courage d'affronter son regard. 

— Je sais que c'est stupide, mais-

— Ce n'est pas stupide, me coupe-t-il brusquement. Tout être vivant ressent le besoin d'aimer et de se sentir aimé. 

Il comprend. 

Je relève la tête, et je rencontre ses yeux onyx. Une vague de courage s'empare de moi, me poussant à me confier. 

— En ce qui concerne ma famille, je ne suis pas surprise. Affirmer le contraire serait un horrible mensonge. 

Alors que je me confie à ce parfait inconnu, je fixe son alliance tandis que lui fixe mon visage. Ou mes cuisses. Je ne veux pas vérifier. Mais secrètement, j'espère lui faire autant d'effets qu'il m'en fait. 

C'est comme si Jake n'existe plus. 

— Ma grand-mère doit sûrement se taper un nouveau mec, mes parents s'engueulent à coup sûr et mon grand-père doit être si bourré qu'il ne sait même plus en quelle année nous sommes. Ma famille est un carnage, dis-je avec un arrière-goût d'amertume. Mon mari... c'est la première fois qu'il oublie. 

Mes lèvres tremblent légèrement, mais je parviens tout de même à contenir mes larmes. Ainsi, je ressemble à une enfant. 

Atlas Jaeger doit probablement me trouver pathétique. Cependant, lorsque je retrouve la chaleur de son regard, je n'y vois que compassion et compréhension. Une vague de soulagement emplit alors mon cœur empoisonné. 

— J'ai toujours été la fille populaire, pleins d'amis. Et aujourd'hui... aujourd'hui, je me rends compte à quel point je suis seule au monde. 

Même celui qui m'avait juré amour et fidélité ne semble plus se soucier de moi. 

— En réalité, je me rends compte de ma propre insignifiance, et ça, ma voix se brise alors que je continue, ça fait mal. Tellement mal. 

Je lutte contre mon âme en sang, au nom d'une fierté mal placée, pour ne verser aucune larme devant mon psychologue, en vain. Je craque. Parce que je suis une enfant qui ne se sent pas aimée malgré tout l'argent et la beauté que je possède. 

— Certaines personnes sont faites pour donner plus d'amour qu'elles en reçoivent. C'est ainsi que le monde fonctionne. 

Je renifle bruyamment. 

— Je ne veux pas faire partie de cette catégorie. Je ne veux plus donner et ne pas recevoir, c'est trop dur. 

— Non, ne dîtes pas ça. Ne perdez jamais la flamme qui brûle en vous, c'est ce qui vous rend magnifique, dit-il en me regardant droit dans les yeux.

Certains regards ont le pouvoir de toucher une âme plus qu'une main ne le pourra jamais. Atlas Jaeger a ce don.

ACHLYSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant