Chapitre 9

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Face au vide, je me demande combien de personnes avant moi ont choisi cette issue, celle de la mort et du vide éternel

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Face au vide, je me demande combien de personnes avant moi ont choisi cette issue, celle de la mort et du vide éternel. Sûrement des milliards. 

J'ai toujours pensé que le suicide était pour les lâches et les égoïstes, ceux qui fuient leurs responsabilités et laissent ceux qui les aiment derrière, laissant les remords et les doutes les bouffer de l'intérieur. Mais aujourd'hui, je me rends compte du courage dont ils font preuve pour affronter la mort, l'accueillir à bras ouverts comme un vieil ami. 

Londres se déploie sous mes yeux, mes cheveux bruns virevoltent dans le vent tels des serpents venimeux et enragés, mais je suis incapable de sauter. Peu importe à quel point je le désire, j'en suis incapable. Pourtant, je suis fatiguée de cette vie. 

Je suis fatiguée de mentir, le sourire aux lèvres. Je suis fatiguée de douter de la fidélité de mon mari. Et plus que tout au monde, je suis épuisée de la solitude dans laquelle je me plonge. Je crie, mais personne ne m'écoute. Personne ne se soucie de mes malheurs. 

Sauf Atlas Jaeger. Lui, il m'écoute. Il me comprend. Tout comme Colin Samson avant lui. 

Une partie de moi ne peut s'empêcher de se demander si Jake est le meurtrier que la police recherche, lui qui est si possessif et colérique. Je me demande si mon mari est au courant pour la liaison que j'entretenais avec Colin, cette liaison que j'essaye d'oublier tant j'ai honte. Peut-être qu'il l'a découvert et qu'il se comporte ainsi par ma faute. Peut-être qu'il a tué Colin parce qu'il ne supportait pas qu'un autre homme me fasse me sentir vivante. 

Non, je dis n'importe quoi. Jake n'est pas un meurtrier. Il est colérique et souhaite me contrôler, mais ce n'est pas un criminel. 

Il est toujours le garçon qui m'offrait des muguets et qui rougissait lorsque je murmurais contre ses lèvres à quel point je l'aimais. 

Néanmoins, le doute s'empare de moi tandis que la culpabilité m'accable. 

Je connais mon mari, n'est-ce pas ? Je ne sais pas ce qu'il me prend à douter ainsi de lui. Et puis, la police ne nous a plus dans le viseur grâce à l'avocat de Jake.

La majorité du temps, j'oublie qu'un meurtrier rôde à Londres. Mais parfois, je ne pense qu'à ça, me demandant pourquoi Colin était sa cible. 

Avait-il un ennemi ? Était-il au mauvais endroit au mauvais moment ? C'est ce que la police semble penser. Néanmoins, ne pas être certaine de la façon dont il est mort est effrayant. Sa famille peine à faire son deuil, et c'est compréhensible. Perdre un proche est horrible, mais le perdre parce qu'il a été assassiné est une tout autre chose. 

Je ne sais pas comment je survivrais si Jake mourrait. Nous ne nous entendons plus, il n'est jamais à la maison, mais je le connais depuis si longtemps qu'il est devenu une partie de moi. Jake possède une partie de mon cœur que je ne pourrais plus jamais récupérer. 

Et même si je le désire, je ne pourrais jamais lui échapper. Peu importe la haine que nous pouvons nous inspirer parfois, l'amour et la tendresse que nous nous portons sont plus forts. Et l'idée de le perdre me rend malade. 

Mes parents ne sont pas ma famille. Jake l'est. Je regrette seulement que notre innocence se soit volatilisée pour laisser place au poison. 

Je soupire alors qu'une unique larme roule sur ma joue. Je ne sais pas ce qui cloche chez moi. Un jour, je suis incapable de ressentir la moindre chose ou de me sentir vivante, et l'autre, je suis inondée par mes sentiments. 

Je ne sais pas si mes parents sont la cause de ce problème ou si je suis juste un monstre, mais j'ai un problème. Peu importe à quel point ça me fait mal de l'admettre, j'en ai conscience. 

Se rendre sur un toit pour sauter, toujours être sur la défensive, souhaiter faire du mal et désirer son psychologue alors que je suis mariée ne correspond pas aux pensées d'une femme saine d'esprit. Peut-être qu'après tout Jake a raison, je suis une salope. 

Peut-être que je vois un psychologue pour me chercher des excuses alors que je suis seulement mauvaise. Peut-être que nous naissons soit mauvais soit bons. Et peut-être que la rédemption n'existe pas. 

Sinon, comment expliquer ce qui ne va pas chez moi ? 

Je suis une putain de voleuse d'oxygène. Au lycée, j'avais tué plus de personnes que le cancer parce que j'apprécie plus la douleur que le sexe ou l'amour. 

Comment expliquer ce besoin de blesser ? 

Je regarde le vide qui se dresse devant moi et un rire amer s'échappe de ma gorge. C'est marrant à quel point l'idée de me suicider me vient à l'esprit malgré le courage qui me manque. 

Du toit où je me trouve, la ville de Londres ne m'apparaît pas comme si imposante et magnifique que ce qu'elle est réellement, mais je ne me sens pas non plus invincible. Je suis toujours aussi petite et fragile. Je sais que Jake aime son bureau dans son grand building parce qu'il a l'impression de dominer son monde. Ce n'est pas mon cas. 

J'ai l'impression d'être encore moins maître de moi-même.

Soudainement, mon téléphone vibre dans ma main et je sursaute comme si la personne qui m'appelle le fait pour m'empêcher de sauter. 

Je décroche sans même regarder le nom qui s'affiche sur l'écran, embarrassée, et porte le mobile à mon oreille tout en regardant la ville. 

— Salut, Sia'. 

Je ferme les yeux à l'entente de la voix de ma meilleure amie, ce n'est pas le moment. Je veux être seule et réfléchir, pas jouer la comédie. Je ne veux pas prétendre d'être la fille parfaite à la vie parfaite avec un mari qui l'est presque autant qu'elle. Je ne veux pas prétendre être heureuse. 

Je ne suis plus d'humeur. 

— Salut, Accalia, réponds-je.

Accalia est ma meilleure amie depuis que je suis assez grande pour articuler le mot 'famille'. Cependant, notre amitié est un mensonge de plus dans ma vie. 

— On se rejoint à notre café habituel demain ? 

Non, ai-je envie de répondre. 

— Avec plaisir.

Mais je ne veux pas qu'elle se rende compte d'à quel point ma vie est imparfaite. À quel point je le suis.

ACHLYSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant