Chapitre 20

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Vêtue de la même tenue que lorsque j'ai rencontré Atlas Jaeger, mon psychologue, je m'apprête à le recevoir pour terminer notre histoire, pour régler l'erreur que nous avons commise

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Vêtue de la même tenue que lorsque j'ai rencontré Atlas Jaeger, mon psychologue, je m'apprête à le recevoir pour terminer notre histoire, pour régler l'erreur que nous avons commise. 

Je regarde la pendule qui indique l'heure que nous avons fixée par messages pour nous retrouver. À cette heure de la journée, Jake est au travail et j'ai renvoyé les employés à leurs domiciles. Atlas et moi avons la maison pour nous tout seuls. 

S'il se résigne à se montrer. 

J'ai tout mis en place pour le recevoir, j'ai même cuisiné pour lui. 

Finalement, les portes de l'ascenseur finissent par s'ouvrir sur mon psychologue. Je me redresse immédiatement et lui fait face, un sourire aux lèvres. 

Atlas est vêtu de son éternelle chemise et de son pantalon noir qui met parfaitement sa silhouette en valeur. Je m'avance vers lui qui se recule. 

Contrairement à moi, Atlas semble mal à l'aise comme si un certain pressentiment le pousse à s'enfuir, mais qu'il s'entête à ne pas écouter, trop borné. 

— Écoute, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. 

Je lève les yeux au ciel.  

— Tu veux régler cette histoire ? Alors assis-toi et discutons, dis-je. 

Je lui montre dans un signe de tête la grande table en verre ou la nourriture est déjà installée sur la table, celle que j'ai préparée. Un bouquet de muguet trône fièrement au milieu, entre nos deux assiettes, qui sont installées aux extrémités de la table, comme s'il est question d'une rencontre officielle. 

Toujours aussi mal à l'aise, il me dépasse et s'installe devant une assiette. 

— On pourrait peut-être se retrouver dans un endroit plus neutre, non ? 

Je secoue la tête. 

— Pour tomber sur ta femme ? Non, merci. 

Je m'installe de l'autre côté de la table. 

— Et si ton mari rentre plus tôt ? 

Je secoue une seconde fois la tête. 

— Il est au travail. 

Atlas ne semble pas convaincu, mais attrape tout de même la salade devant lui. 

Je me lève d'un bond et cours dans sa direction. 

— Laisse-moi te servir. 

Il fronce les sourcils, je peux sentir le malaise qui l'habite. 

— Je suis assez grand. 

— Et moi, je suis ton hôte. 

— Je préfère me servir, moi-même. 

J'acquiesce et retourne à ma place. 

Je l'observe se servir calmement, sans lui laisser le temps d'analyser la moindre émotion sur mon visage. Pour la première fois depuis notre rencontre, face à lui, je suis maître de mon corps, de ce que je ressens. 

— Alors, je commence, est-ce que tu t'es assuré de couvrir tes arrières en venant ici ? 

Il rigole légèrement pour paraître assuré, mais il ne l'est clairement pas. 

— J'ai dit à Sidra que je sortais faire un tour. Je reviendrais à la maison avec un bouquet de fleur, elle ne saura pas que je suis venu te voir. 

Il prend une bouchée de sa salade tandis que je l'observe toujours. 

— Tu ne manges pas ? 

— Si, si. 

J'attrape les amuse-gueules à mes côtés et en croque un sans jamais le quitter des yeux. 

— On arrête de se voir, on supprime nos numéros. C'est le deal, dis-je soudainement.

Il mange sa salade silencieusement, intrigué. 

— C'est tout ? Nous faisons comme si rien n'était jamais arrivé ? 

J'acquiesce. 

— Oui. 

— Et si ma femme le découvre ? 

— Tu as deux options. Tu peux lui dire que c'est faux, lui mentir. Ou tu peux tout simplement lui dire que ça n'arrivera plus, que c'était seulement une erreur. 

Il commence à s'étouffer, et moi, je ne bouge pas. 

— Tu peux lui dire que tu n'es pas maître de ton destin, que ce n'est pas de ta faute. Ou fuir. Ton enfant ne voudra sûrement pas un trompeur comme père, tu ne crois pas ? 

Il porte une main à son cou. 

— J'arrive plus à respirer, Elysia. 

Je ne réponds pas alors que la panique s'empare de mon psychologue. 

— Qu'est-ce qu'il m'arrive ? 

Je lui désigne le muguet. Cette plante, aussi jolie et fragile qu'elle n'y parait, peut servir de poison si nous savons nous y prendre. Je l'avais découvert au lycée, et cette fleur était devenue ma préférée parce qu'elle était comme moi. Douce et innocente. Mais mortelle. 

— Pourquoi ? 

Ses mots deviennent de plus en plus étouffés, mais je parviens toujours à le comprendre. 

Atlas a des problèmes de cœur, l'arrêt cardiaque ne devrait pas tarder. 

— Il est impossible de dire comment l'idée entra primitivement dans ma cervelle ; mais une fois conçue, elle me hanta nuit et jour. D'objet, il n'y en avait pas. La passion n'y était pas pour rien. 

Je le regarde avec indifférence parce que je ne parviens pas à ressentir de la pitié ou de la tristesse à son égard, pas à ce moment-là. Hier soir, je me suis demandée pourquoi je faisais ça, et je ne trouvais aucun motif. Je sais que notre histoire pouvait s'arrêter ici, Jake m'a pardonné, Sidra n'est pas mon problème. Mais j'ai envie de voir la lumière dans ses yeux s'éteindre. 

Ça semble fou, mais c'est ainsi. Et je n'ai rien trouvé de mieux que de lui réciter un extrait de "The Tell-Tale Heart" de Edgar Allan Poe, comme si cette citation explique parfaitement mes motivations, mon désir de le voir s'éteindre. 

Je ne sais pas pourquoi, mais j'en ai besoin. 

— J'aimais le vieux bonhomme, je continue. Il ne m'avait jamais fait de mal. Il ne m'avait jamais insulté. De son or je n'avais aucune envie. Je crois que c'était son œil. 

Atlas se met à vomir dans son assiette, mais étrangement, je m'en moque. Je me lève et m'accroupie à côté de lui jusqu'à le voir s'éteindre à tout jamais.

Et ensuite, oublier. J'oublierais tout ça.

ACHLYSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant