chapitre seize

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LIZZIE

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LIZZIE

Le corps pétrifié, comme resté trop longtemps allongé dans un tas de neige.
J'ai l'impression d'avoir été empaillée brusquement.
Mes yeux ne sont plus que des sphères de plastiques à travers lesquelles les images et les couleurs apparaissent comme par magie.
Mes extrémités sont immobiles, c'est impossible pour moi de faire un seul simple mouvement. M'aurait-on versé de la cire dessus entre temps ?

Je cligne pour la première fois des yeux depuis sûrement des heures. Ou des secondes. Qu'est-ce que j'en sais à présent ?
D'énormes larmes roulent le long de mes joues parsemées de tâches de rousseur, plus voyantes à la lumière du soleil.

J'ai un sentiment atrocement douloureux d'avoir avalé une boule de bowling, cette dernière passant avec difficulté dans mon œsophage et laissant un goût métallique dans ma bouche.

Chaque cellule de mon corps frissonne, rattrape son énergie comme on choperait un téléphone à quelques centimètres du sol, sur le point d'éclater en morceaux, puis je me sens courir vers la cuvette des WC.

Pourquoi ai-je ce terrible réflexe de gérer les situations en purgeant autre chose que mes émotions par autre part que mes yeux ? Je me demanderai bien plus tard, quand je serais de nouveau en possession de mon corps.

Alors que je rejette majoritairement de l'eau au dessus de toilettes, une main tendre se dépose sur mon épaule. Je sens mes cheveux se faire tirer délicatement en arrière et la présence de Peter me donne davantage cette impression d'être humiliée.
Je le connais très bien. Je sais à quel point il est tolérant et ne porte aucun jugement, surtout envers moi. Mais personnellement, ma dignité en prend un coup. M'enfin, je ne suis même pas sûre que ce soit moi qui vomisse à ce moment précis. Sûrement le peu de vie inconsciente qui habite mon corps pour le remplacer.

C'est soit ça soit mon corps cesse de vivre. Mais comment expliquez-vous que malgré le fait que je ne sois pas en possession de mon corps je continue d'être piégée à l'intérieur, comme un boulet qu'on accroche à un détenu. Je veux juste m'envoler, quitte à rejoindre l'au-delà et à laisser à Peter une carcasse de vie au bord de toilettes bourrées de calcaire.

- Shhh, respire Lizzie. Imagine une bougie devant toi. Ton souffle doit pouvoir faire vaciller la flamme sans l'éteindre, murmure la voix douce de Peter dans mon oreille engourdie.

Je ne sais par quel moyen inimaginable, l'information parvient jusqu'au coup de vent que je suis devenu. Un simple soupir de poussière se baladant autour d'une charogne qui était autrefois son nid. Un nid douillet parfois horripilant ou hors-service mais toujours confortable et présent.

Mes mouvements sont en décalé, démontrant le problème de transmission entre moi, pas ma coque biologique mais intellectuelle, ce qui forme ma conscience. Ma vision est légèrement trouble, effacée, et même si je veux à tout prix réaliser, chacune de mes cellule refuse de m'accueillir de nouveau.

Je suis comme mise à la porte de mon propre corps, avec comme seule bagage la déclaration de Peter m'annonçant une nouvelle incroyable. Et là j'utilise l'adjectif dans le sens où je ne peux vraiment pas y croire, au point où je préfère vomir un liquide organique plutôt que d'enregistrer l'information. Je veux pas ? Je ne peux pas.

Je suis prise d'un choc, un long frisson ponctuel et douloureux durant lequel je semble avoir retrouvé l'usage de mon corps normalement.

Je vois à travers l'iris de mes yeux, je touche à travers ma peau pâle et je sens grâce à mon nez, inhalant avec difficulté.

- Reste avec moi Lizzie. Je suis désolé.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine, comme un appel à l'aide, un oiseau voulant à tout prix quitter sa cage.

Je suis désolée très cher cœur mais il m'est impossible de répondre à ta demande. Si tu t'échappe de mon corps, tu vas me transpercer, ce qui risque d'être douloureux, et je pense qu'il nous sera à tous les deux impossible de continuer à vivre après cette séparation.

J'inhale une dernière fois avant de fondre en larmes. Je me blotti contre le torse de Peter, qui me promet de veiller sur moi et de sortir mon père de cet enfer. Je sens son souffle contre mes cheveux désordonnés, il attrape mon visage de ses mains timides et soulage une douleur invisible avec son contact.

Peter, ta peau est le traitement le plus efficace, et pourtant le moins cher.

Je n'arrête que lorsque mon corps n'est plus qu'un vieux pruneau desséché et que Peter est obligé de me ramener une énorme gourde d'eau en inox pour que je reprenne des forces.

Il me ramène au lit après un obligatoire brossage des dents car vomir n'est pas la meilleure action envers la santé buccale. Puis il m'apporte un chocolat chaud pour m'aider à me rendormir.

Je l'avale sans un mot, trop épuisée pour mettre de l'ordre dans mon cerveau bouleversé. Je termine la tasse, la tend à Peter et enfonce ma tête soudainement légère dans l'oreiller.

Je m'endors sans aucune pensée pour déranger un sommeil dépourvu de rêve et de cauchemar.

Juste une petite nuit de néant pour reprendre des forces avant d'affronter le réveil, lorsque je vais me rendre compte que je ne suis pas morte durant la nuit, à mon plus grand désespoir malheureusement.

NEIGHBOR, 𝑠𝑝𝑖𝑑𝑒𝑟𝑚𝑎𝑛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant