Nos âmes destinées

𝐶ℎ𝑎𝑝𝑖𝑡𝑟𝑒 9

AVELA

"Tu es occupé? Je veux que tu m'entraînes comme l'un de tes soldats."

J'arrive face au dos de Eöl qui lisait des papiers sur le terrain d'entraînement des soldats de la Grande Armée. Il ne sursaute pas lorsqu'il entend ma voix et je n'ai pas l'impression de le déranger. Je suppose, comme à chaque fois, qu'il s'attendait à me voir. Alors il se retourne, m'observe rapidement de haut en bas.

Demain se déroulera la compétition de l'automne et malgré les nombreuses interdictions vis-à-vis de notre espèce, je compte bien m'inscrire illégalement pour prouver à tout le monde que nous, les demi-elfes, avons notre place. Je sais bien que mon oncle me fâchera terriblement s'il apprend ce que je prépare, mais j'en ai marre d'être une jeune fille trop bien élevée qui ne peut pas faire ce qui lui plait.

Il est temps de se rebeller.

"Pourquoi faire?" me demande Eöl, baissant de nouveau la tête vers ses papiers. "Tu ne veux plus devenir soldat."

L'encre noire du parchemin dégouline à cause de la brume présente et je me demande comment il arrive encore à lire.

"Je viens de te le dire." je grogne, levant les yeux au ciel.

"Ton explication est complètement fausse et je ne crois plus réellement les mots qui sortent de ta bouche, Avela. Tu ne veux pas devenir soldat alors maintenant donnes-moi la vraie explication."

Je lève l'un de mes sourcils, l'incitant à continuer. Il finit par croiser des bras et m'observe de toute sa hauteur. Pendant un instant, il reprend son rôle d'officier et je déteste ça.

Dans ces moments, il redevient un peu plus comme mon oncle.

"Tu ne participeras pas aux jeux, Avela. Même si tu es la nièce du Général. Je refuse catégoriquement que tu poses un seul pied dans l'arène. Premièrement, parce que tu n'es pas autorisée à y aller et deuxièmement parce que tu vas te faire tuer. Je ne veux pas être le complice de ta mort."

"J'ai autant ma place que les autres elfes qui eux ne sont rien! Des agriculteurs et des paysans vont participer Eöl!"

"Je suis convaincu que tu possèdes ta place au sein de la communauté elfique, mais est-ce que tu sais ce qui peut t'arriver si tu ne respectes pas les règles imposées par la famille royale?"

"Ma vie est déjà terrible, rien de pire ne peut m'arriver."

Il lève rapidement les yeux au ciel mais dans la seconde, il fronce des sourcils. Il attrape mon menton entre ses doigts et tourne mon visage vers la droite. Je sais aussitôt ce qu'il est en train d'observer.

"Qui t'a fait ça? Ce n'est pas le même hématome que la dernière fois." me demande-t-il durement.

"Je suis tombée d'un arbre." je lui réponds.

"Avela. Je veux la vérité."

"Je ne veux pas en parler, c'est suffisamment douloureux."

"Quand? Est-ce que c'est parce que tu t'es jetée sur la Princesse?"

"Samedi soir." je réponds. "Il m'a mis deux gifles et je me suis fait, vraiment, vraiment fâché. Je ne crois pas l'avoir vu autant en colère."

Il glisse rapidement son pouce sur l'immense hématome violet sur ma joue, son jumeau est à l'opposé. À cause des bagues en fer que Björn porte constamment, ma peau a gonflé pendant la nuit. Ce n'est pas très douloureux mais la chaleur présente m'envoie à chaque fois des mauvais souvenirs.

Je n'ai pas essayé de parler à mon oncle depuis notre affrontement, lui non plus d'ailleurs. Lorsqu'il passe à chaque fois à mes côtés, il grogne et me bouscule violemment l'épaule. Dans ces moments, la douleur dans mon cœur ne cesse de s'accentuer. J'ai la réelle impression de n'être qu'un intrus.