𝐶ℎ𝑎𝑝𝑖𝑡𝑟𝑒 22

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THALION

Nous chevauchons depuis prêt de deux heures et le moindre craquement dans les arbres venant d'un simple animal ou bien simplement à cause des pixies nous fait monter aux aguets. Ma main est constamment posée sur le manche de mon épée, prête à la sortir à la moindre apparition d'un elfe gris.

Ce que nous faisons est totalement illégal. Les demi-elfes ne sont pas autorisés à quitter le territoire et voilà que maintenant, nous faisons sortir la nièce du général lui qui, pourtant, a toujours su respecter les ordres du Grand Seigneur Finwë.

S'il apprend ceci, il risquerait non pas de perdre son travail mais de perdre la totalité de sa vie. Le fait de désobéir n'apporte que le malheur.

"Détends-toi capitaine, c'est un écureuil."

L'animal, des noisettes en mains, court de branches en branches. Mais, même si cette vision devrait me rassurer, je continue de resserrer mon emprise sur l'épée.

Appuyée contre mon torse, Avela dort profondément, enveloppée dans ma cape. J'espère que mon odeur puisse protéger la sienne. Nous ignorons réellement si les elfes gris arrivent à ressentir l'odeur des mortels mais il est préférable que nous prenions des précautions. Elle doit sûrement mourir de chaud mais il vaut mieux ceci pour sa sécurité.

Parfois, elle fronce des sourcils dans son sommeil et commence à avoir des instants de terreur.

Dans ces moments, j'appuie mon menton sur sa tempe et j'essaie de la calmer grâce à ma respiration. Ces crises ne durent que quelques secondes avant qu'elle ne reparte dans un sommeil sans fin, bercée par les chevaux.

"On devrait peut-être faire une pause. Ta concentration te tueras." j'entend à ma gauche.

Nous avançons vers le Nord au galop, longeant le plus possible les frontières de l'Ouest. Dans cette partie de la forêt les arbres commencent à rapetisser, nous indiquant clairement le chemin vers les terres des gobelins.

Face à la phrase de Kolker, je ralentis mon cheval et dépose ma main sur la taille de la demi-elfe. Je relève la tête vers le soleil, plaçant mon autre main en visière.

Midi va bientôt prendre place au centre du ciel.

Alors, le paysage changeant à chaque fois que je me retourne sur le destrier, j'aperçois l'entrée d'une grotte, dissimulée entre un bosquet un peu plus sombre. Elle est assez petite mais suffisamment convenable pour que nous puissions déjeuner à l'abri des regards.

Aussitôt, les souvenirs d'antan me reviennent en mémoire et mon sang se glace.

Cette grotte a toujours été présente. C'est la fin de l'histoire de la Grande Guerre.

C'est la fin de ma propre vie.

Kolker et Tennox ont exactement la même pensée, s'avançant afin d'être à ma hauteur. L'elfe à la chevelure blonde dépose sa main sur mon épaule. Il n'y a plus aucune trace d'amusement dans sa voix.

"C'est là."

"J'ai l'impression d'entendre la voix des démons." murmure Tennox.

J'abaisse légèrement le regard vers la mortelle qui semble imperturbable. Est-ce qu'elle sait que ses ancêtres sont morts juste sous nos pieds?

"Peu importe les souvenirs, il nous faut un endroit pour se poser quelques minutes."

Je reprends les rênes, attirant le cheval vers l'entrée. Mes deux hommes me suivent, scrutant attentivement les alentours à la recherche de la moindre anomalie.

Mais je sais qu'ils recherchent également les anciens souvenirs datant de presque vingt ans déjà.

"Nous ne prendrons que trente minutes avant de repartir. Ne trainez pas."

Nos âmes destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant