𝐶ℎ𝑎𝑝𝑖𝑡𝑟𝑒 35

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THALION

Le sang d'Avela ne cesse de tâcher mes vêtements et la terre des enchanteurs, créant un chemin de fleurs à chaque mètres que je franchis, la pluie nous tombant dessus. La peur logée en moi est violente et elle ne cesse de s'accentuer lorsque, à chaque coup d'œil, j'aperçois le visage de la mortelle pâlir. Elle est en train de m'abandonner, son cœur me menace à chaque seconde d'arrêter de battre.

C'est dans cette situation que je me rends compte que je n'aurai jamais dû l'abandonner ce soir. La visite du fantôme du passé m'avait mis sur mes gardes mais pas suffisamment; la preuve en est que je la perds.

J'ignore comment elle a autant réussi à me maintenir aussi près d'elle; d'une certaine manière, je me suis réellement attachée. Brutalement et inconsciemment.

Mon âme à la sienne.

Comment j'ai pu être aussi aveugle?

"Lellian!"

J'entre brutalement sous une des tentes qui avaient été installées pour la soirée. Des enchanteurs essayent de reprendre leur calme et d'autres réclament de l'aide, recouvert de sang par l'explosion. Mais, pour la première fois de ma vie, la vie et la sécurité des autres m'est totalement égale.

Il n'y a que Avela.

Je cherche Lellian dans chaque silhouette, essayant d'être le premier à avoir son aide. Je fini par la voir au fond de la tente, examinant des enfants. Alors je m'approche à toute vitesse, la sueur ne cessant de couler le long de mon dos. Le corps d'Avela suit chacun de mes mouvements, ses bras se balançant dans le vide. Je n'arrive même pas à voir ses doigts bouger, signe qu'elle soit encore avec moi.

Je ne cesse d'hurler le nom de la doyenne à pleins poumons. Les enchanteurs se retournent sur mon passage mais je sais que dans leurs yeux, ils ne s'inquiètent pas d'Avela. Tout ce qui leur importe, c'est le sang qui coule sur mes vêtements. Ils pensent tous qu'il s'agit du mien.

"Lellian! Lellian j'ai besoin de vous."

La doyenne sourit à l'enfant, continue de l'examiner.

"Thalion j'ai besoin de finir."

"Non, non vous ne comprenez pas!"

Elle se retourne vers moi et ses yeux, en un instant, se remplissent d'effroi. Elle observe mes vêtements puis le corps, pâle et inconscient, de la mortelle. Les mots semblent être bloqués dans sa bouche. Je suppose que ni elle, ni moi ne s'attendaient à un tel évènement ce soir. Encore moins à une telle vision.

"Je suis en train de la perdre." je murmure.

Ce sont les seuls mots qui arrivent à sortir. Je sais que je devrais en dire plus sur ma théorie et sur ce que j'ai ressenti ce soir, quelque chose qui pourrait peut-être la sauver, mais ma gorge est brûlante comme si j'étais sur le point de pleurer. Ma poitrine ne cesse de se comprimer. Je n'avais pas ressenti cette sensation depuis longtemps.

Nalyn a été la dernière personne qui a pu me faire souffrir autant.

"Allonges-la, dépêches-toi."

Elle s'empresse de renvoyer l'enfant chez sa mère avant de me faire de la place sur la table. J'y allonge aussitôt la mortelle, prenant garde à ne pas lui faire mal. Sa tête roule d'elle-même sur le côté, lui donnant un air de cadavre qui m'effraie. Lellian se penche au-dessus de la blessure, observe attentivement le couteau ancré dans le ventre.

Sans le vouloir, j'observe les mouvements de son sang et j'écoute le son de la peau. Je sens que ma gorge se resserre de plus en plus et sans le vouloir, je me penche sur le côté pour vomir. Je laisse mes tripes sortir, chacun de mes sentiments s'enfuit. Lellian m'appelle avec urgence mais je suis incapable de répondre.

Nos âmes destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant