𝐶ℎ𝑎𝑝𝑖𝑡𝑟𝑒 15

242 20 0
                                    

THALION

Marchant rapidement dans les couloirs du palais, je regarde les nombreuses servantes qui nettoient avec rapidité les murs, les somptueux lustres, et les sculptures représentant la famille royale depuis de nombreuses générations. Sur leur visage se dessinent de la fatigue à cause de l'agitation de ces derniers jours. Elles sont toutes mentalement et physiquement poussées pour rendre Elfeadera parfait.

Demain soir aura lieu le changement de saison alors chaque esclave se hâte à tout préparer. Nous allons passer d'un merveilleux été à un automne maussade et recouvert de boue. Toutes les feuilles vont tristement tomber et la pluie sera de plus en plus présente, ce qui changera également le cœur de quelques personnes.

Je vais devoir écouter les arbres lâcher leur dernier battement de cœur. Je n'ai jamais vraiment connu ce changement de saison ici. Dans mon pays natal il n'y a que l'été, alors qu'à Elfeadera la terre meurt constamment. J'ai toujours vécu avec les arbres. Je les ai toujours écoutés.

Qu'est-ce qui va se passer quand je vais me rendre compte qu'il n'y aura que le silence autour de moi?

C'est assez douloureux de laisser ses origines de côté pour l'hiver et redevenir un elfe normal.

Secouant légèrement la tête, je chasse mes idées en avançant dans le palais en de grandes enjambées. Les servantes qui travaillent autour de moi ne font même pas attention à ma présence et se concentrent uniquement sur leurs tâches qui, je sais, quelques heures auparavant ont été écrites sur un long parchemin par la gouvernante en chef.

En passant à côté de deux jeunes femmes agenouillées, je les regarde brosser le sol de damier, veillant à ce qu'aucune tâche ne vienne se glisser dessus. Je suis certain que si je me penche un peu plus vers l'avant, j'arriverai à voir mon reflet totalement complet.

Aujourd'hui, ma première mission de la journée est d'aller rendre visite aux trois demi-elfes alors enfermés dans les cachots depuis deux jours. Ils vont normalement être libérés dans la journée, mais avant, j'ai ordre de les punir. Pas par des simples paroles, mais par des gestes que je n'ai pas encore eu le courage de faire.

Soupirant, je resserre ma prise sur mon martinet en cuir, enfonçant mes ongles dans la matière de celui-ci. Le soldat dans mon dos me suit en des pas rapides, totalement excité à l'idée de me voir massacrer des mortels.

D'un côté, je suis tout de même soulagé que la nièce de Björn ne soit pas présente dans les cachots; je n'aurai réellement pas supporté de la frapper avant d'apercevoir le regard de mon ami, choqué et vexé par mon geste. Elle doit normalement être chez elle, enfermée dans les murs du manoir, surveillée et protégée face aux elfes gris se promenant à leur guise dans les forêts et les terres d'Elfeadera.

Un soupir nasal m'échappe et je ferme pendant quelques instants mes yeux.

Je suis certain que cette peste doit être partout, mais pas dans sa fichue demeure.

En arrivant aux cachots, je prends une nouvelle forte respiration et passe entre les deux gardes se tenant droits et fiers tels des statues. Ils me saluent de la tête, apportent leur poing contre leur torse, et s'inclinent respectueusement face à mon rang. Mais, ils n'accordent aucune attention à l'homme derrière moi. Faute d'absence de médailles sur sa poitrine.

Je pousse la large porte en fer et commence à descendre les escaliers de pierres, petits et brisés. Très rapidement, nous sommes recouverts d'une brume noire épaisse. Heureusement, les elfes arrivent  à voir chaque forme dans l'obscurité, alors je plisse simplement des yeux et écoute le son des gémissements de douleur, celui de la pluie tombant en de fines gouttelettes entre les murs, des rats s'échappant, et des ongles se grattant contre la pierre.

Nos âmes destinéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant