- Je ne peux mentir à tes parents, Kasia.
- Pourtant, il le faudra, docteur Thomas. Vous êtes tenu au secret médical. Je suis désolée de vous mettre dans cette position mais il est très important pour moi que cela se fasse. Soyons honnête, vous savez aussi bien que moi que mon état ne me permettra pas d'attendre très longtemps que ce cœur arrive.
- Il y a de l'espoir, insista-t-il.
Je secouais la tête devant tant de spéculations. Il s'agissait de ma vie, de mes choix. Il devait me laisser faire. Ce n'était ni lui, ni mes parents, les malades. Je ne supportais plus leur prise de position sur un sujet qui ne concernait que moi.
- Je sais que cela vous contrarie mais je ne changerais pas d'avis. Je sais que cette opération est un risque, comme toutes les autres, mais je préfère passer par ça et m'offrir la chance de vivre ce que je souhaite réellement pour moi-même, que passer des mois, affaiblie dans un lit à attendre que mon cœur me lâche, tout cela parce que vous avez tous l'espoir qu'un cœur arrive miraculeusement, proclamais-je faiblement, à bout de souffle.
- Je comprends, Kasia. Je comprends vraiment et j'accèderais à ta demande mais sache que ce n'est pas de gaité de cœur. Je ne perds pas espoir, contrairement à toi.
- Il ne s'agit pas de votre vie, docteur Thomas, plaidais-je.
Il soupira en baissant la tête, défait. Il semblait aussi abattu que lorsque mes parents apprendraient mon départ. Je savais qu'il tenait à moi. Après tout, il me connaissait depuis si longtemps. Il m'avait vu grandir. Cela était réciproque. Cet homme avait été mon sauveur durant ma petite enfance, me sauvant jour après jour des douleurs handicapantes de la petite fille que j'étais. Cependant, ni mes parents, ni Thomas avaient droit de contrer mes décisions. Plus à mon âge.
- Très bien mais je t'en prie, appel-moi dès les premiers signes de faiblesses, de douleurs. Je vais alléger mon emploi du temps afin de t'être disponible dès que tu en auras besoin.
Je l'observais avec une certaine tristesse de devoir lui infliger tant de souci mais cela ne me convainc aucunement de dévier de mon projet.
- Je vous le promets mais ne vous inquiéter pas. Il vous faut accepter l'éventualité que vous ne pourrez pas me sauver cette fois-ci. Cela doit faire un chemin en vous. Mes parents devraient y penser également.
Il se passa une main sur son crâne dégarni.
- Malheureusement j'ai failli à garder une distance émotionnelle avec toi. Je te suis depuis tant d'années, ma petite. Je ne veux pas faillir, également, à la promesse que je t'ai faite à tes sept ans.
- Il ne faut pas voir ma fin comme un échec. Vous avez réussi à me maintenir en vie et en bonne santé jusqu'à maintenant alors qu'on ne me donnait même pas deux semaines de vie. Vous avez été exceptionnel mais vous savez, au fond de vous, que je ne tiendrais pas jusqu'à mes quatre-vingt ans, plaisantais-je d'une voix douce face à sa désillusion.
Il posa une main sur la mienne et la pressa tendrement. Il souffla s'avouant pleinement vaincu.
- Je vais de ce pas réserver une salle d'opération pour demain matin. Tu sembles reprendre un peu de couleur, tes constantes sont stables et les résultats de tes examens ne sont pas aussi catastrophiques que je le pensais. Nous verrons bien si la nuit remonte un peu ton rythme cardiaque mais à priori, tu devrais pourvoir supporter l'opération. Ne te met pas bille en tête, cependant, il est possible que ton état régresse.
- Je suis consciente de ma précarité, lui assurais-je.
Il hocha la tête.
- Très bien. Reposes-toi. N'enlève pas ton masque à oxygène cette nuit, d'accord ?
- Ce n'était pas dans mon intention. Je ne l'enlève plus depuis des jours lorsque je suis allongée, le rassurais-je.
Il porta une dernière fois un regard inquiet sur moi avant de sortir de la chambre. Je me sentais aussi rassurer qu'inquiète par ce que je venais de mettre en place. Mon but n'était pas de mourir. J'allais me battre pour survivre à l'opération. Je n'étais pas une femme défaitiste. J'y arriverais. D'après mon expérience dans le domaine, il me faudrait au minimum, deux semaines pour me rétablir de cet acte chirurgical. Après cela, je disparaîtrais, laissant mes envies me mener sur les routes. J'imaginais déjà toutes les rencontres que je ferais sur le chemin. Les paysages naissant sous mes yeux à l'aube d'un jour nouveau. J'avais hâte. C'était sur ces rêveries, et au bruit de mon respirateur, que je m'endormis.
Le lendemain matin, je fus réveillé par l'infirmière Jodie, venue pour constater que mon état était suffisamment bon pour ce qui allait se poursuivre une heure plus tard. Il était six heures du matin lorsque mes yeux se refermèrent alors que j'étais immobilisé sur la table d'opération. Tout c'était décider si vite. J'avais eu de la chance d'obtenir un bloc si vite, si bien que mes parents n'avaient pas eu le temps d'arrivé à l'hôpital à temps pour demander des explications au docteur Thomas, ni à moi.
Dire que j'avais été pleinement sereine par l'opération serait un mensonge mais je n'en avais pas prononcé une seule parole. Je ne voulais pas donner l'occasion à Thomas de tenter de me contraindre à un retour en arrière. Je sombrais dans l'inconscience en sachant que je jouais à un jeu dangereux. Cette matinée était quitte ou double. Je ne le saurais qu'à mon réveil. Si je me réveillais.
Mes craintes furent anéanties, cependant, plusieurs heures plus tard, lorsque je me réveillais dans ma chambre avec la désagréable sensation d'être passé sous un bus. Je me sentais si fatiguée et fragile. Chaque respiration était difficile, comme si j'avais une chape de plomb sur la poitrine. Cela ne durerait pas. Il me fallait prendre mon mal en patience. Un acte chirurgical de cette ampleur n'était pas anodin. Mon corps avait besoin de temps pour se remettre. Je laissais ma tête tomber sur le côté pour porter mon regard sur mes parents endormis sur leur fauteuil, main dans la main. Ils étaient adorables ainsi. Leur amour pour l'autre avait toujours été un exemple pour moi. Dans mon imaginaire de petite fille pleine d'espoir pour l'avenir, je voulais trouver un amour aussi fort et solide que celui qui liait mes parents. Je savais aujourd'hui qu'il me fallait abandonner cette idée car il était hors de question de laisser une autre personne dans la souffrance de ma perte. J'avais renoncé à l'amour au même moment de mon acceptation de ma maladie et ma courte vie. J'étais très jeune, à l'époque, mais suffisamment mature pour comprendre que cela affecterait violemment la personne. Je m'étais alors contenté d'histoire sans lendemain car, après tout, j'étais une jeune femme comme les autres. J'avais besoin de ressentir toutes les sensations qui comble ce besoin de contact, de rapprochement dont parlaient constamment mes amies. J'avais fini par apprécier le sexe et ne m'étais pas restreint avec Josh. Il était ce qui se rapprochait le plus, d'un ami avec avantage. Aucune ambiguïté entre nous, seulement une amitié volage.
Avec difficulté, je tournais la tête vers le scope pour analyser mes constantes. Bien que faible, elles semblaient plutôt bonnes. Cela me rassura. Dans un dernier souffle d'espoir, je fermais les yeux avec le seul objectif de me reposer intensivement afin d'être prête, au plus tôt, pour ce qui allait suivre...
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Trials of the heart
Любовные романыJeune femme pleine de vie et équilibrée, bataillant pour ses idées, Kasia a fait de sa vie un combat constant. Entourée de proches bienveillants et aimants, elle apprécie ce que la vie lui offre. Elle n'attend rien de plus que ce qu'elle a déjà obte...