Chapitre 31 : Kasia

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Je sentais que je perdais la bataille. J'en avais gagné de nombreuses, après tout. Je ne vivais pas cela comme un échec, mais plutôt comme une victoire. J'avais bien la sensation que je ne tiendrais plus très longtemps. Je n'étais pas du genre à déposer les armes. J'allais me battre pour tenir et faire l'honneur à mes parents de pouvoir me faire leur adieu mais, comme estimer, ce voyage me fatiguait énormément. J'avais passé les deux dernières heures de trajet jusqu'à Jefferson, à dormir. Mon corps s'affaiblissait considérablement. Il cherchait à m'apporter l'énergie nécessaire lors de mes moments d'éveils. Lorsque j'avais rouvert les yeux, j'étais allongé dans un lit double dans une chambre bien plus accueillante que la précédente. Très épurée, elle était très apaisante. Ces murs beiges et ses sols en bois clair conféraient à la pièce reposante. Mon lit était grand mais ce qui me surpris était qu'il était seul. La chambre ne disposait que d'un lit. Cela m'étonna. Marlon était absent. Au vue, des récents changements sur l'image que je me faisais de notre amitié, j'aurais préféré continuer à maintenir une certaine distance entre nous. De toute évidence, nous n'avions pas la même idée.

Je me redressais, doucement et difficilement, pour scruter la pièce. La solitude du lieu m'apparut différemment. Trop de silence. Pour la première fois de ma vie, je vivais une sorte d'angoisse face à moi-même. Mon état était plus que précaire. Je n'avais jamais craint de mourir. Cela était bien inscrit dans mon esprit. Pourtant, à cet instant, loin de la protection, à laquelle je semblais prendre gout, de Marlon, je ressentais une oppression minime dans ma poitrine. Cela n'était pas bon. Je ne pouvais continuer sur ce chemin. Je ne pouvais pas transférer mes besoins sur lui. Cela était bien trop de pression pour une seule personne. J'avais pu voir les dégâts, que ma santé, avait engendrés sur mes parents. Je ne pouvais pas faire cela à Marlon. Il fallait que je me débrouille seule. Cela était l'un des buts de ce voyage. La mort arrivait à chacun. C'était ainsi que ma pensée raisonnait depuis si longtemps. Pourquoi ressentais-je une pointe de panique alors ?

Je portais mon regard sur ma table de nuit. Mon sac, poser dessus, je m'en emparais. Celui-ci me semblait plus lourd qu'habituellement, signe que je perdais de ma force physique. Je le passais dans mon dos avant de me lever. Je posais me jambes à terre et me redressais doucement pour tester mon équilibre. La tête me tournait pendant quelques secondes avant que tout se stabilise autour de moi. Je profitais d'être seule pour baisser la tête et me permettre un peu d'auto-apitoiement. Je lâchais un soupir dans mon masque. Cela me permit de retrouver un sourire. Il fallait que je me brosse les dents de toute urgence. Cette pensée me fit pousser un petit rire rauque. Deux portes se trouvaient à ma droite. L'une était contre le mur, face à moi et l'autre contre le mur à ma droite. Je testais la porte de droite et tombais sur la salle de bain, aussi, l'autre portait sur le couloir de l'hôtel. J'entrais à l'intérieur et y trouvais mon nécessaire de toilette. J'observais la baignoire, tout en me brossant les dents, hésitant à prendre un bain. Je me sentais crasseuse mais aurais-je la force de prendre un bain, seule. Je manquais de confiance à ce niveau-là. Habituellement, lorsque j'étais dans cet état, ma mère, ou une infirmière, me faisait la toilette par crainte que je ne me blesse lors d'une chute. Je pourrais aussi m'évanouir dans la baignoire et me noyer sans le vouloir. Tout mon entourage avait bien fait leur travail de prévention. Cela était parfaitement entré dans ma tête. Il me fallait donc être prudente. Je me décidais pour une douche. Je me positionnerais assis dans le bac afin de me laver. Ainsi, cela m'éviterait l'humiliation de demander de l'aide à Marlon. Je me découvrais une fierté mal placée mais ne la combattais pas.

Je me déshabillais lentement, assise sur un banc, non loin de la douche. J'enlevais, tout en dernier, mon masque et pouvais ressentir la différence. Quelques jours en arrière, respirer n'était pas un problème. Mes voies respiratoires étaient ouvertes, grâce à l'opération. Aussi, je pensais avoir plus de temps pour profiter des bien fait de celle-ci. Je m'étais trompé. Mon cœur était trop malade. Il n'en pouvait plus. Ce n'était pas grave. J'aurais pu accomplir tout ce qui me faisait rêver. Lorsque le moment sera venu, je quittais la vie sans aucun regret. Je n'aurais rien à envier. Mon rêve était certes petit mais cela était tout un monde pour moi. J'avais pu rencontrer l'homme formidable qu'était Marlon, également. J'étais aimée. Cela me suffisait. Je partirais heureuse. Cela était une chance que je mesurais.

Me laver avait pris beaucoup plus de temps que je pensais. Je me laissais tomber, nue, sur le banc, épuisée, et réinstallais rapidement mon masque à oxygène. Cela me fit beaucoup de bien. Je pris quelques secondes pour réalimenter mon corps en oxygène mais ne tardais pas longtemps. Il fallait que je me couvre. Il n'était pas le moment de développer une maladie respiratoire, tel qu'une bronchite qui pourrait très rapidement se transformer en pneumonie. Je n'avais aucune envie d'y passer avant d'avoir découvert les raisons de la course de Marlon. Je voulais savoir ce qui l'attendait au bout de ce trajet. Pourquoi Davenport ?

Je m'entourais d'une serviette lorsque mon corps se couvrir de frisson et passais, à nouveau, mon sac dans mon dos, puis sortit de la salle de bain. Je fus surprise par la présence de Marlon, assis sur le lit défait, les coudes sur les cuisses, les poings fermés devant sa bouche. Il me scrutait.

- Tu as été longue, fit-il remarquer en descendant son regard le long de mon corps, les yeux hantés.

- J'ai profité de l'eau chaude. Ça m'a fait du bien, mentis-je.

- Tu es maigre, grimaça-t-il. Et très pale. Tu vas mal, constata-t-il, presque accusateur.

- Je connais mes limites, Marlon. Je ne suis pas suicidaire. J'arrêterais ce périple lorsque mon corps ne pourra plus le supporter.

- Je ne te fais pas confiance sur ce sujet, dit-il en se levant.

Le froid commençait à être difficile à supporter. Mes membres se firent plus raides. Ils furent pris de spasmes. Marlon s'approcha et me tira jusqu'au lit, en voyant mon état. Il tira la couette et m'entoura de celle-ci avant d'aller jusqu'à mon sac pour en sortir un gros pull rouge, un jean, des chaussettes et des sous-vêtements. Il s'agenouilla devant moi et prit mon pied. Je le repoussais mollement.

- Je peux m'habiller toute seule, râlais-je.

- Arrête de faire ta chieuse et lève le pied.

Râlant pour la forme, je le laissais m'enfilais les chaussettes. Il eut un moment de latence lorsqu'il s'empara de ma culotte. Je lui pris des mains et me penchais pour la mettre seule. Je tendis la main afin qu'il me donne mon soutien-gorge. Il était hors de question de franchir la limite de cette intimité.

- Peux-tu te retourner ?

Il ne se fit pas prier. Un genou toujours à terre, devant moi, il pivota pour me présenter son dos. Une fois mit, je me couvrais à nouveau et me raclais la gorge. S'en suivi, le reste de mes vêtements, qu'il entreprit de me mettre avec une délicatesse qui me toucha profondément.

Les mains glacées, je les glissais dans les manches de mon pull en le remerciant silencieusement par un sourire.

- Tu ne pourras pas faire le circuit historique, supposa-t-il, très justement.

- Je sais, soupirais-je. C'est dommage.

Il leva un sourcil, un sourire en coin.

- Tu ne me contre pas ?

- Non, monsieur. Comme je te l'ai dit, je connais mes limites. Je veux finir ce voyage. Pour ça, il faut que je me repose beaucoup plus et que j'arrête de me penser invincible, admettais-je.

- Tu me surprends. Encore une fois.

- Mais je suis une femme surprenante, plaisantais-je en lui lançant un clin d'œil joueur avant de pousser un petit ricanement gras.

Une quinte de toux gâcha le moment, accompagné d'inspiration sifflante. Marlon se releva pour s'asseoir près de moi. Il entreprit de caresser mon dos sans me lâcher du regard. Un regard très inquiet. Je retirais mon masque et pris un mouchoir, que je positionnais devant ma bouche, sur la table de chevet. Cela n'était pas la première fois que cela m'arriver mais cela était la première fois qu'il y assistait. Ce qui était une première, par contre, était le sang qui mouillait le mouchoir d'un blanc immaculé...

Trials of the heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant