Chapitre 17 : Kasia

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Thomas retirait le bracelet du tensiomètre de mon bras lorsque Sacha, une infirmière avec qui je sympathisais un peu plus chaque jour ouvrit la porte de ma chambre avec un grand sourire.

- Les visites sont... se coupa-t-elle lorsqu'elle posa un regard timide sur Thomas. Je ne vous ai pas vu, docteur Thomas.

Je découvrais le potentiel sex appeal de mon médecin lorsqu'elle se mit à rougir. Cela m'amusa. Je n'avais jamais réellement vu Thomas comme un homme charmant. Il avait toujours été, pour moi, mon bon vieux médecin. De toute évidence, j'avais raté quelque chose. Alors que la jeune femme se trouvait embarrasser, j'observais de plus près mon médecin. Ses cheveux, poivre et sel, tiré en arrière, une mèche lui tombant sur le front de temps en temps, qu'il s'empressait de plaquer sur son crâne, lui conférait un style de dandy. Ses traits délicats et raffinés n'étaient pas en reste. Il était vrai qu'il était bel homme mais je ne parvenais pas à voir en lui ce qui pouvait mettre en émoi l'infirmière.

- Nous allions partir de toute manière, assura mon père en se levant.

Il récupéra son manteau et prit le poignet de ma mère, qui se montrait quelque peu réticente à partir. Ils vinrent à moi pour m'embrasser et nous quittèrent discrètement, dans un dernier sourire. Sacha s'écarta pour les laisser passer, le regard bas. Lorsqu'elle le releva sur moi, je levais un sourcil à son intention avec un petit sourire taquin. Ses joues se teintèrent d'autant plus, ce qui me fit ricaner doucement. Sacha était une femme discrète et douce. Savoir qu'elle avait le béguin pour Thomas était attendrissant. Je zieutais l'homme dont il était question et celui-ci semblait ne pas voir l'embarras de la jeune femme. Il restait figé, attendant le départ de celle-ci. Je me raclais la gorge bruyamment afin de débloquer la scène. Sacha bredouilla des mots incompréhensibles avant de nous quitter. Le docteur se tourna vers moi, l'air confiant.

- Tu récupères très bien, Kasia. Je suis satisfait de l'évolution de ta convalescence.

- Ça veut dire qu'il n'y aura aucun problème à mon voyage ?

- Non. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Si tu restais tranquillement chez toi, tu aurais plus de chance.

- Vous n'arriverez pas à me convaincre. C'est acté. Je pars.

- J'aimerais seulement que tu me laisses du temps pour...

- Vous savez aussi bien que moi que malgré vos efforts, cela ne changera rien. Vous êtes, seulement, un éternel optimiste, le taquinais-je.

- Il n'y a pas si longtemps, tu l'étais aussi.

Je hochais la tête lentement.

- C'est vrai. Je le suis toujours. D'une manière différente. C'est tout. Je ne ferme pas les yeux face à l'adversité. Je l'affronte de plein fouet, Thomas. Je connais mes chances. Je connais mon cœur. Je ne veux pas vivre mes derniers instants dans le regret. Je ne changerais pas d'avis.

Il baissa la tête devant mon implacable vérité. Il savait tout cela mais ne voulait pas y faire face. Cela était un comble pour un médecin.

Il posa sa main sur mon bras, l'air défait.

- Très bien. Reposes-toi un maximum, s'il te plaît. Je t'ai déjà préparé un dossier afin que tu puisses disposer de tous les médicaments et bouteille d'oxygène dont tu auras besoin. Je t'ai préparé une liste de médecins sur deux États. Les meilleurs. Ils pourront te prendre en charge en attendant que j'arrive. Appel les si tu as la moindre douleur. Tu me le promets ? insista-t-il en plongeant son regard dans les miens.

J'eus un petit sourire en coin.

- Je vous le promets si vous me promettez d'inviter Sacha à aller boire un café. Cette jeune femme est plus qu'intéresser par vous, ricanais-je.

Il fronçait les sourcils, dans l'incompréhension.

- Vous pensez beaucoup trop au travail, soupirais-je en secouant la tête. Sacha est raide dingue de vous. Décrocher le stéthoscope de votre cou et aller retrouver cette jolie jeune femme.

- Mais...

- Non. Pas de mais. Tout le monde a besoin de s'amuser de temps en temps. Faites-en de même. Elle est peut-être cela femme de votre vie... plutôt la deuxième femme de votre vie.

Thomas se plongeait corps et âmes dans le travail depuis son divorce. Il noyait son chagrin comme il le pouvait. Il était un homme bon. Il méritait le bonheur.

- Il faut que j'y aille. D'autres patients m'attendent, esquiva-t-il en se dirigeant vers la porte.

Il s'arrêta avant de l'ouvrir et se tourna vers moi.

- J'irais lui parler. Tu as raison. Cela ne pourra pas me faire de mal mais il faut que tu me promettes de prendre soin de toi, en retour.

- Promis, chef, blaguais-je.

Il me quitta, un léger sourire amusé sur les lèvres.

Je me réinstallais confortablement et récupérais mon bouquin. L'esprit ailleurs, je ne parvenais pas à suivre une seule ligne. Il ne restait plus qu'une semaine avant le grand départ. Tout cela me stressait horriblement. J'avais l'impression d'abandonner mes parents en agissant de la sorte. Ils ne méritaient pas cela, pourtant il fallait que je ne pense qu'à moi. Je sentais, au plus profond de moi, que c'était le moment ou jamais. Je n'aurais plus pareille occasion. Cependant, la culpabilité était bien présente.

Je respirais profondément et expirais doucement. Cela ne servait à rien de me faire du mouron pour eux. Ils iraient bien. Tout leur serrait expliquer dans les notes qui leur serraient transmises.

La porte de ma chambre se rouvrit avec plus de brusquerie, cette fois, pour laisser entre voir Marlon. Je fronçais les sourcils devant son air tendu. Il s'approcha de mon lit avec prudence.

Le voir aussi tôt dans la journée me surpris. Je me relevais en position assise, le fixant avec circonspection.

- Marlon ? Que fais-tu ici ? Tu vas bien ?

- Je dois partir, m'annonça-t-il abruptement.

- Partir ?

- Je pars demain matin.

- Pourquoi ?

- Mes responsabilités m'incombent plus tôt que prévu. Je ne peux plus attendre pour faire ce road trip.

Déçue, je me laissais tomber sur mon coussin sans le lâcher du regard. J'avais l'impression qu'une tonne de brique me tombait dessus. J'étais tellement contente de partir à ses côtés. Je m'en faisais une véritable joie. En peu de temps, notre relation avait prospéré. Je regardais autour de moi, un peu perdu. Je n'avais plus aucune envie de partir seule. Sa présence me rassurait en un sens, à la manière d'un grand frère bougon. Je n'aurais pas été seule en cas de pépin. Il ne pouvait pas me laisser sur le bord de la route. Nous avions prévu de faire cela à deux. Dès lors, je n'avais plus imaginé me retrouver seule. La déception me quitta alors que ma détermination se raffermissait. Je levais la tête vers lui, le regard ancré à ses yeux afin qu'il puisse y lire toute ma témérité.

- D'accord. J'aurais besoin que tu m'aides à me préparer dans les temps pour notre départ...

Trials of the heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant