Chapitre 35 : Kasia

813 106 7
                                    


Je n'aurais jamais cru, un jour, faire un tour en hélicoptère. Cela aurait pu être fantastique si je n'avais pas dû lutter, tout le long du trajet pour garder conscience. Marlon avait raison. Mon état se dégradait d'heure en heure. Cela n'avait rien à voir avec ce que j'avais pu vivre, auparavant. J'étais si fatiguée. À mon arrivée, Thomas avait investi ma chambre, ainsi que trois infirmières, dont Sacha, et un interne. J'avais déjà passé une échographie cardiaque et prise de sang. Allongée dans le lit que j'avais fui, quelques jours plus tôt, j'attendais mes parents, qui avaient été mis au courant de mon retour, par le docteur Thomas, tout en passant un électrocardiogramme. J'avais laissé Marlon derrière moi, à mon départ de Jefferson. Il devait être en route pour me rejoindre. Je ne pensais pas être toujours consciente lorsqu'il serait là mais cela me réconfortait de savoir qu'il ne me laissait pas tomber. Thomas m'avait confirmé mes craintes. Il n'allait pas avoir d'autres choix que me plonger dans un coma artificiel. Je lui avais simplement demandé d'attendre pour cela. Je voulais que mes parents puissent me revoir consciente une dernière fois. Je voulais avoir l'occasion de leur faire mes adieux, si jamais je ne me réveillais jamais. Je voulais qu'ils puissent le faire, également. Cela serait plus facile pour eux de faire leur deuil. C'était plus de morosité que je pensais à cette fatalité. N'était-il pas cruel de mettre sur ma route une raison de vivre inatteignable ? m'était-il envoyé pour trouver le courage de poursuivre le combat ?

Je n'en savais rien mais si c'était cela, cela marchait très bien. J'étais prête à me battre pour survivre. C'était en cela que je n'avais émis aucun commentaire lorsque Thomas m'avait annoncé l'inévitable. Il y avait peu, j'aurais certainement refusé le coma. J'aurais simplement dit qu'il refusait l'évidence. Cela avait changé. Je ne savais pas si les mesures prises étaient suffisantes mais au moins, j'aurais essayé. Je n'aurais rien à regretter.

Ma porte s'ouvrit sur mes parents, complètement paniquer. Ils restèrent, un instant, figer, dans l'encadrure de la porte avant de se précipiter, d'un seul homme, vers moi.

- Oh ma chérie ! pleura ma mère

Je n'essayais pas de parler. Cela ne servirait à rien. Plus aucun son ne parvenait à sortir de ma gorge. J'étais trop faible. Mon père posa une main sur ma poitrine, qui se soulevait et s'abaissait de façon brutale. J'avais beaucoup de mal à respirer. Le masque ne me suffisait plus. J'étais reconnaissante envers mes parents d'avoir tout lâcher pour venir me voir au plus vite. Ainsi, je n'aurais pas à attendre bien longtemps avant de passer le relais aux machines pour aider mon corps à fonctionner.

- Comment tu sens-tu ?

Je tentais de lui transmettre une réponse par le regard mais rien n'y faisait. Elle dévia un regard inquiet sur mon père qui lui posait sa main libre sur son épaule.

- Elle ne peut pas parler, ma chérie. Elle doit se reposer.

Il lui caressa le visage pour effacer les larmes qui glissaient sur sa joue. Elle se mit à pleurer de plus belle. Elle posa délicatement sa tête sur ma poitrine. Mon père, lui, captura ma main et en caressait le dos.

- Ne t'en fais pas, ma puce. Tout ira bien. Tu es suivi par le meilleur médecin de l'état. Il faut que tu le laisses prendre les bonnes décisions pour toi, à présent.

J'acquiesçais faiblement.

- Tu as aimé ton petit road trip ? tenta-t-il de dédramatiser.

Je parvins à lui adressait un petit sourire. J'espérais qu'il est pu le voir. Ma mère renâclait mais mon père émit un son de gorge pour, visiblement, qu'elle se taise. De toute évidence, la pilule avait encore du mal à passer.

- Tant mieux. Je suis content que tu es pu trouver ce que tu cherchais en prenant ton envol, ma puce, dit-il en mentant qu'à moitié.

- Regarde où ça la conduit, murmura ma mère, amer.

- Elle en avait le droit, Olivia. Nous en avons déjà parlé.

- Je ne veux pas perdre ma fille. Est-ce un crime ?

- Non. C'est tout à ton honneur et je suis sûr qu'elle le comprend. C'est pour ça qu'elle ne nous a jamais fait de reproche lorsqu'on allait trop loin, par moments, mais elle a senti que là était sa dernière chance de vivre selon ses envies et tu ne peux lui reprocher. Cesse de ressasser. Maintenant, il faut se concentrer sur le présent.

- Tu as raison, soupira-t-elle en se tournant vers moi.

Elle me prit tendrement le visage entre ses deux mains et m'embrassa les joues avec ferveur. Elle avait beau être envahissante, je ne l'échangerais pour rien au monde. J'avais une mère courageuse et aimante. Elle était formidable.

- Thomas va te plonger dans le coma. Il t'en à parler ?

Je hochais difficilement la tête.

- Cela te donnera plus de chance dans l'attente d'un nouveau cœur.

- Il va arriver, ajouta ma mère avec conviction. Il faut que tu tiennes le coup, ma chérie.

« Il faut que tu tiennes le coup ». Cela me rappelait quelque chose. Tout le monde voulait que je tienne le coup mais cela était plus facile à dire qu'à faire. Ce n'était pas moi qui décidais. Je ferais ce qu'il faut. Le reste était hors de mes compétences. Je laissais tomber ma tête sur ma droite pour fixer mon attention sur ma mère.

- Ne me regarde pas comme ça. Je t'interdis de faire ça, me reprocha-t-elle en reculant.

Je continuais tout de même car cela était important pour elle. Il fallait qu'elle ne s'arrête pas à une seule idée.

- Elle a besoin de te faire ses adieux, au cas où...

- Je n'en veux pas.

- C'est une bonne chose, Olivia...

- Non. Je refuse.

Elle nous tourna le dos et sortit précipitamment de la pièce, nous laissant seuls. Mon père m'observait, les larmes aux yeux.

- J'aurais aimé que tu es une vie plus simple, normale, que tu es la chance d'être pleinement accomplie, comme les autres jeunes femmes. Je suis désolé que tu en passe par tant de souffrance, mon bébé. Si jamais tu ne te réveillais jamais... je veux que tu saches que tu as été notre plus beau cadeau. Je t'ai aimé dès l'instant où j'ai appris ta présence. Jamais, je n'aurais pu passer à côté des années que nous venons de vivre à tes côtés, ma fille, laissa-t-il l'émotion l'envahir lorsque mon médecin entra avec Sacha. Avant que Thomas ne t'endorme, je veux que tu sois imprégné de l'amour que je te voue.

Il se pencha sur moi et me serra fortement contre lui alors que ma mère revint dans la chambre, toujours en larmes.

Trials of the heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant