Chapitre 42 : Marlon (Version réaliste)

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Je jetais un dernier regard sur la villa, où j'avais passé plusieurs heures en présence de cette femme pour qui j'étais venu avec plein de haine et repartais avec des réponses dont je ne m'étais pas attendu. Cela m'avait-il apaisé d'obtenir ce que j'avais eu besoin de venir chercher ? En un sens, oui. Apprendre qu'elle ne nous avait pas abandonner par choix mais par contrainte afin de sauver le club, modifier les perspectives que j'avais créé avec les années dans mon esprit. J'avais, aussi, découvert, qu'elle avait eu deux autres enfants. Étrangement, cela ne m'avait pas atteint plus que cela. Je m'en foutais royalement, au contraire. Je n'avais pas pour progrès de les intégrer dans ma vie. Elle non plus, d'ailleurs. Elle était sortie de ma vie et du club. Elle avait une vie agréable et saine. Elle était mariée et avait deux enfants avec cet homme. Inutile qu'elle refoute les pieds au club, au risque de voir sa vie éclater. Son mari était un homme important dans le Missouri. Un lien avec un criminel n'apporterait rien de bon à Julia. Autant qu'elle continue sa vie sans interférence de ma part. elle n'avait pas été de cet avis. J'avais dû alors me montrer brutal dans mon choix de la laisser en arrière, prétextant ne pas la vouloir dans ma vie malgré ses explications.

Kasia avait su refaire sortir ce qui avait de bon en moi. Elle m'avait ouvert la voie sur une autre manière de penser lorsqu'il s'agissait d'un être qui comptait. Son passage dans ma vie avait tout changé. J'avais compris qu'il m'était inutile de paraître ce que je n'étais pas, de vivre dans la colère constante. Elle m'avait appris à être simplement moi, avec mes failles, mes doutes. Elle pensait que j'étais une bonne personne. Je voyais la confiance dans ses yeux chaque fois qu'elle me regardait. Elle ne jugeait pas ce qui faisait de moi, ce que j'étais. Elle acceptait mes déviances et ce qui constituait ma vie. Elle n'avait aucun préjugé envers moi et balançais toutes les préventions qu'on avait pu lui soumettre à mon égard parce qu'elle me voyait vraiment. Elle avait distingué ma douleur et s'était employée à être ce dont j'avais besoin. Comment vivre sans une femme comme elle après l'avoir connu ?

Je l'aimais. Je l'aimais réellement. Je m'étais laissé grignoter insidieusement par ses sentiments qui m'animaient. J'avais laissé les choses se faire parce que j'étais persuadé de la sauver. J'étais sûr qu'elle vivrait. Malheureusement, à présent, je devais admettre que je m'étais trompé. J'avais trop attendu. J'aurais dû réagir bien plus tôt, au premier signe, à la première alerte que mon cerveau m'envoyait. Serait-elle toujours là si tel avait été le cas ?

Cette question allait me hanter jusqu'à la fin de ma vie.

En l'espace de deux mois, j'avais perdu mon père, Kasia et j'avais dit adieu à Julia mais je n'étais pas seul. J'avais une grande famille qui ne me laisserait pas tomber. Nous n'aurions jamais de grande discussion sentimentaliste mais ils seraient là. J'avais aussi Maylis, qui ne m'avait pas lâché durant cette période. Elle avait été une présence omniprésente. Ces épreuves nous avaient considérablement rapproché.

J'avais l'habitude de voir des gens tomber, sortir de ma vie, les pieds devant mais cette fois-ci, cela était dur, douloureux. Il me faudrait me remettre. Certains allaient me faire boire, d'autres me noyer dans le travail, ma sœur continuerait à être une présence silencieuse à mes côtés. Kasia serait toujours dans mes pensées comme étant une présence bénéfique pour m'aider dans les pires moments, comme elle l'avait toujours fait de son vivant. J'avais pu la sentir, près de moi, lors de mon échange avec Julia, comme une aura chaude m'enveloppant. Elle ne me laissait pas tomber non plus. Cette femme aura été un véritable miracle. Mon miracle. Elle m'avait ouvert à la paix et continuerait à le faire.

C'était avec le cœur en miettes mais la certitude que j'avais fait ce que j'avais à faire que je pénétrais sur le terrain du club et descendais de moto sous le regard de certains de mes frères. Terrence sortit rapidement du bar et s'approcha de moi.

- Ça va ?

- Ouais.

- Tu as disparu plusieurs jours. On peut savoir où tu es allé ?

Je le fusillais du regard alors qu'il se mêlait de ce qui ne le regardait pas.

- Excuse-moi, Boss, mais on attend notre président depuis longtemps maintenant. On a besoin de toi.

- Je sais et je suis là maintenant. Je ne compte pas repartir, assurais-je en entrant dans le bar.

Les enceintes crachées du vieux rock si fort que cela me fit prendre conscience que j'avais quitté le club depuis bien trop longtemps lorsque la cacophonie me dérangea. Je me dirigeais vers Oren, qui m'observait arriver avec détermination alors qu'il buvait une bière.

- Suis-moi.

Il se leva et me rejoignit à l'étage, en direction de mon bureau. Je refermais la porte derrière lui et pris place dans mon fauteuil. Il s'installa face à moi et nous étions partis pour plusieurs heures de travail. J'avais besoin qu'il me fasse un topo des dernières nouvelles, des contrats en actions et de la situation dans l'Arkansas.

Cela nous prit une bonne partie de la nuit avant que je ne remarque qu'il tombait de fatigue. Il était bien trop vieux pour assumer ce genre de problème. Aussi, je le renvoyais chez lui et poursuivait mes nouvelles tâches tout seul. Il fallait à tout prix que je nomme mon bras droit. À la vue de la somme de travail en retard, je ne pouvais assumer tout seul. Je décidais de finir pour cette nuit en répartissant les groupes d'hommes à envoyer en Arkansas et en Albanie afin de régler les problèmes sommaires qui s'y trouvait. Cette charge de travail avait eu du bon. Cela m'avait permis d'éviter de ressasser mais lorsque je refermais le tout dernier dossier, l'image de ma belle réapparut sous mes paupières fermées.

Dire qu'elle ne me manquait pas serait mentir. Son parfum me manquait. J'avais pu m'en repaitre durant des jours durant, à chaque minute de la journée et j'en étais privée, à présent. Son sourire, cependant, continuait à planer devant mes yeux.

Je me frottais ceux-ci, tombant de fatigue avant de me lever et sortir du bureau. J'avais une chambre au QG. Je ne me sentais pas l'énergie de rejoindre mon appartement. Aussi, je pris la direction des dortoirs, utiliser par les frères lorsqu'ils avaient bien trop bu, ou s'ils avaient envie de passer la nuit avec une fille du club. La musique jouait toujours en bas mais il demeurait exempt de voix. Tous étaient allé se coucher. Les prospects devaient être en train de ranger et nettoyer les locaux avant de rentrer dormir.

Je parcourais les couloirs et pouvais entendre les gémissements de plaisir dans plusieurs chambres mais n'y prêtais pas attention. Le désir était une chose qui ne me faisait clairement pas envie. Le sexe n'était pas dans mes priorités, conséquence de la disparition de Kasia. J'avais envie d'elle et de personne d'autre.

Je me vautrais sur ma couchette et posais un bras sur mes yeux. L'obscurité de ma chambre m'apportait un peu de paix mais le silence, lui, fit exacerber la peine que j'essayais d'enfouir au plus profond de moi-même. C'était fou comme sa perte impactait ma vie. Elle n'était morte de depuis quelques jours et j'espérais que la douleur finirait par disparaitre mais je n'avais que peu d'espoir à ce sujet.

Alors, plongeant un peu plus dans la folie du deuil. Je me pris à m'apaiser en l'imaginant tout près de moi, dans l'obscurité de cette chambre, tentant de retrouver le parfum de la jeune femme, essayant d'entendre son rire, son toucher. Je laissais son visage m'apparaitre à sa guise, sans le combattre. J'avais effectué mon travail. J'avais repris mon poste. Je donnais à mes hommes ce qu'ils voulaient. Un chef présent et qui assurerait. Cependant, dans l'intimité de ma chambre, j'avais droit à ce repos du corps et de l'esprit même si cela me conduisait à une courte folie.

J'avais le droit de la retrouver un petit moment.

Trials of the heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant