Chapitre 37 : Marlon (Version romancée)

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Le silence planait dans la chambre comme une entité propre à elle-même, refusant d'être brisé. Chacun, à ses pensées, nous étions absorbés par l'inquiétude et le doute. Cela faisait deux jours que Kasia était plongée dans le coma et son état ne cessait de se détériorer. Olivia, qui refusait toujours de m'adresser la parole, priait constamment. Ismaël feintait la confiance pour rassurer sa femme mais semblait perdre espoir chaque heure. Quant à moi, j'oscillais la concentration pour ne pas perdre mes nerfs et l'explosion et le harcèlement pour qu'Anton me donne ce que je souhaite. Il me jurait faire tout son possible mais je craignais bien que cela allait être trop tard. Kasia semblait s'accrocher aussi fort que possible mais elle perdait la bataille. Son corps s'affaiblissait chaque minute. Le doc Thomas était de plus en plus pessimiste.

Je ne quittais plus son chevet, à l'image de ses parents. Ma sœur et Sonny venaient tous les après-midis dans le but de me soutenir. Cependant, je n'étais plus capable de faire attention à eux. Ils me poussaient à sortir de cette chambre, d'aller boire un verre avec eux, je refusais constamment. Je ne pouvais la quitter. Olivia semblait, étrangement, apprécier ma sœur. Aussi, sa présence n'était pas rejetée, à la différence de la mienne.

Sacha, l'infirmière attitrée de Kasia, avait ramené deux autres fauteuils à notre intention afin que nous puissions veiller avec plus de confort. Celle-ci semblait aussi attristée par la situation. Cela ne m'étonnait aucunement. Kasia savait se faire aimer par tous. Elle avait ce don pour attirer la sympathie autour d'elle. Comment pouvait-il en être autrement face à une jeune femme au bon cœur ?

Je serrais la main de la belle endormie fortement entre mes mains. De toute évidence, mon attachement pour elle semblait férocement se renforcer à chaque instant. Je n'avais jamais ressenti une telle ferveur envers une autre personne. Cela était perturbant. D'autant plus lorsque la personne en question était à deux doigts de clamser. Il était étrange d'éprouver autant de sentiment contraire. Il était tout simplement étrange d'éprouver quoi que ce soit face à la mort. J'y étais pourtant habitué. Ce n'était pas la première fois que je me confrontais à celle-ci. Néanmoins, cette fois, cela me touchait de façon inédite. Le déchirement dans ma poitrine était réel. Malgré mon expression neutre, j'étais parsemé par une explosion d'émotion envahissante qui menaçait de me faire éclater en mille morceaux.

Ismaël se leva en soupirant.

- Je vais aller me chercher un café et de quoi manger. Tu veux quelque chose, Olivia ?

- Non. Je ne pourrais rien avaler, murmura-t-elle en peine.

- Et toi, mon garçon ?

- Tequila ?

Cela eut bon de le faire doucement rire en secouant la tête alors que ses yeux hurlaient sa douleur.

- Bien tenter, jeune homme, mais je comprends. Je me soulerais bien moi aussi, maugréa-t-il les larmes aux yeux.

L'image du vieil homme alcoolique me revint en mémoire. Elle avait tenté, par son discours, de lui montrer que la vie méritait d'être vécue malgré les tourments qui la traversaient. Elle n'avait pas voulu le laisser à sa peine. Kasia était une bonne personne. Elle ne méritait pas que sa vie s'arrête ici. Elle avait tant à apporter à ce monde. Sa bienveillance méritait de briller.

Je reposais, délicatement, sa main pour me lever et me posais devant la fenêtre, sentant mes nerfs lâcher. Je posais mes deux mains sur la vitre en inspirant profondément.

- Vous l'aimez, n'est-ce pas ?

Je ne bougeais pas de ma position, incapable de faire face à l'image que Kasia nous renvoyer pour le moment.

- Si vous ne l'aimiez pas, vous ne seriez pas là. Vous êtes affecté par sa situation. Presque autant que nous... mon mari à raison, vous savez ? Je cherche un coupable mais il n'en existe pas. Je savais qu'il y avait une possibilité de la perdre à tout moment lorsque nous avons décidé de la garder mais ce n'est pas moins douloureux. Je l'aime plus que tout, se confia Olivia. La perdre... je ne m'en remettrai jamais. Je vois bien que sa mort laisserait une trace en vous aussi. Pour cela, je ne peux que respecter votre présence ici. ? m'approuva-t-elle.

Je me tournais, lentement, ayant l'impression de peser une tonne. Des larmes coulaient sur ses joues mais je ne voyais plus aucune hostilité à mon encontre. Elle ne me tenait plus pour responsable de son départ précipitée de l'hôpital. Je soufflais bruyamment en me passant une main dans les cheveux, prêt à faire part de mes impressions.

- Vous l'avez beaucoup trop couvé. Vous avez voulu la protéger et cela ne peut se reprocher mais elle a eu l'impression d'être privée de sa vie. C'est pour ça qu'elle a organisé ce départ.

- Je le sais, soupira-t-elle. J'ai laissé mes peurs prendre le dessus, quitte à l'enfermer dans une bulle protectrice mais cela ne l'a pas protégé de mes angoisses. J'en ai conscience.

- Elle ne vous en veut pas. Elle vous aime. Lorsqu'elle parle de vous, c'est avec dévotion. Elle voulait simplement vivre pour elle-même, un instant.

La femme hocha la tête, compréhensive.

- Vous n'avez pas répondu à ma question, fit-elle remarquer.

Que répondre a cela. Étais-je prêt à me l'avouer à moi-même ? Voulais-je rendre ce truc plus réel en le mentionnant à voix haute alors que la jeune femme était entre la vie et la mort ?

- Elle sait se faire apprécier sans même s'en rendre compte, me contentais-je de dire.

Olivia eut un faible sourire avant qu'il ne retombe immédiatement.

- C'est vrai. Elle a toujours eu une facilité à s'attirer l'amitié des gens qu'elle rencontre.

- Elle est courageuse aussi. Elle savait ce qui l'attendait, commençais-je en fixant Kasia, il n'y avait aucune peur en elle. Cela était seulement la suite que sa vie devait prendre et elle l'acceptait totalement. C'était surtout pour votre mari et vous qu'elle s'inquiétait.

- Elle était pessimiste, se trompa-t-elle.

- Non, elle ne l'était pas. Elle était réaliste. Elle ne se racontait pas d'histoire.

- Il y a encore une chance...

- Elle en a une mais pas en provenance d'où vous le croyez, m'avançais-je, sans trop en dire. Son nom est sur la liste depuis seulement sept jours. Il est impossible de recevoir un cœur en un si court laps de temps, ou alors ce serait un véritable miracle. Elle le savait.

- De quelle chance parlez-vous alors ?

J'en avais déjà trop dit. La souffrance de cette mère, face à la maladie de sa fille, m'avait déjà trahi. Je ne pouvais trop en dire. Cela était trop dangereux dans tous les cas. Si Anton foirait, l'espoir que je lui aurais donné l'aurait achevé. Si elle n'approuvait pas, elle pourrait prévenir la police et refuser le don de cette personne. Il était hors de question de prendre le risque. J'avais payé une fortune pour ce cœur. Kasia allait en bénéficier et aucun de nous n'allait la perdre.

Mon téléphone sonna au moment où celle-ci allait insister pour en apprendre davantage. Je levais un doigt dans sa direction et empoignais mon téléphone en sortant de la pièce, prêt à recevoir une bonne nouvelle.

Trials of the heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant