Chapitre 18 : Marlon

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Je n'en revenais pas d'avoir accepté. Ce n'était que pure folie. Je ne savais pas comment elle s'y était prise pour me convaincre. Pourtant, voilà que je me dirigeais vers le bureau de son médecin, à pas de charge.

« Chaque partie de mon corps était bloquée devant ses mots et sa détermination. Je ne m'étais pas attendu à une telle chose. Elle aurait dû abdiquer, comme je l'avais fait. Pourtant, elle ne s'avouait pas vaincue. Elle tenait à partir le lendemain matin, avec moi. Cependant, il en était hors de question. Elle n'était pas rétablie. Trop fragile. Ce voyage serait beaucoup trop dangereux pour son cœur.

- Non.

Elle leva les sourcils. Ma voix était sortie trop agressive, brute et sèche.

- Comment ? s'irrita-t-elle. Qui es-tu pour prendre des décisions à ma place ?

- Tu ne viendras pas.

- Donne-moi une seule bonne raison de ne pas te suivre, insista-t-elle.

- Ton cœur, répondis-je en pointant son moniteur du doigt, comme si cela était une évidence.

- Désolée, je ne prends pas cette remarque en compte, aussi non je ne partirais jamais.

- Tu es en convalescence, Kasia. Ce n'est pas pareil.

- Thomas m'a affirmé que tout allait au mieux. Mon cœur reprend des forces. Bien plus vite qu'il ne le pensait. Je viens !

- Tu es sérieuse ? Tu veux mourir ? m'étais-je énervé.

- Non. Inutile d'essayer de me culpabiliser et me faire peur. Ça ne marchera pas.

Elle avait soupiré bruyamment en baissant la tête pour mieux la relever sur moi, toujours autant déterminée.

- Écoute, il y a une semaine, j'étais prête à partir seule pour me réaliser. Puis je t'ai rencontré. Jusque-là, je ne m'étais pas rendu compte que la solitude de mon projet pouvait être risquée pour moi. Tu es loin d'être un homme joyeux, je dirais même que tu es quelque peu torturé, mais je ne me vois pas sans toi pour ce voyage, à présent. Ta promesse de m'emmener m'a fait monter des plans sur la comète. J'ai pu réfléchir à la façon que j'avais prévue de partir avant toi... Je serais plus en sécurité avec toi. On se connaît à peine mais je suis sûre que tu me protègeras en cas de problème. Alors, je pars avec toi !

- Tu n'es pas complètement rétabli, Kasia, insistais-je malgré le sens de son discours.

- C'est vrai, avoua-t-elle, enfin, mais je me sens suffisamment en forme pour venir. Je peux te poser une question ?

Perplexe, je hochais la tête par l'affirmatif.

- S'il te restait peu de temps à vivre... que préfèrerais-tu ? Vivre tes derniers instants dans un lit ? Ou bien, profiter de ce que la vie t'offre ?

Cela était un coup bas. Elle excellait dans les mots. Elle savait manipuler par la parole. Que répondre à cela. Elle était loin d'avoir tort. Malgré tout, je n'avais aucune envie de prendre un tel risque.

- Mets-toi à ma place, Marlon, plaida-t-elle.

Ses yeux pétillants m'imploraient de ne pas discuter. Il y avait tout de même une certaine confiance au fond de ses prunelles. Elle était sûre d'elle. Elle n'attendait que ma reddition. J'avais tant à faire. Je n'avais pas le temps de parlementer avec elle. Pourtant, cela était un sujet des plus importants. J'avais perdu mon père aujourd'hui. Je ne tenais pas à la voir mourir aussi. Contre toute attente, me connaissant distant, je m'étais attaché à cette jeune femme. Son air fripon tendait à attirer la sympathie autour d'elle.

- Très bien. Tu viens. Que faut-il faire ? »

Me voilà en direction du cabinet du docteur Thomas. Elle m'avait mandaté afin que je lui ramène son médecin afin d'obtenir tout le nécessaire au voyage. Celui-ci avait préparé un dossier complet pour elle. Elle aurait tous les soins dont elle aurait besoin durant ces prochains jours.

Je n'allais plus entreprendre la route d'une traite. Mes plans venaient de changer de nouveau. Elle venait. Je n'avais pas le temps de prévoir un long trajet mais je pouvais pousser cela sur trois jours. Kasia en avait été déçue mais avait compris mon manque de temps. Je ne l'avais toujours pas informé de la raison de mon envie d'évasion. Elle le saurait bien assez tôt.

J'entrais dans e bureau de son médecin, sans m'annoncer, surprenant celui-ci, derrière sa pile de dossiers et son écran d'ordinateur. Il se releva précipitamment. Visiblement, il se rappelait de moi.

- Docteur Thomas, le saluais-je en m'avançant dans la pièce.

- Que voulez-vous ?

- Le dossier à l'intention de Kasia.

Il recula d'un pas, les sourcils froncés.

- Pourquoi ?

- Parce qu'elle en a besoin.

- Quoi ? Non ? Pas maintenant. C'est trop tôt, s'inquiéta-t-il.

J'appréciais l'investissement qu'il mettait dans les soins de la jeune femme mais je n'avais pas le temps de faire dans la dentelle.

- Elle a décidée de me suivre. Elle va avoir besoin de ce dossier. Donnez-le-moi.

- Il faut la convaincre qu'elle commet une erreur.

- Elle ne veut rien entendre. Alors faisons au mieux, dis-je en tendant la main, dans l'attente.

- Mais...

- Je n'ai pas tout mon temps, doc, m'impatientais-je.

- Vous ne vous rendez pas compte !

- Bien sûr que si.

- Vous vous fichez qu'il lui arrive quelque chose, m'accusa-t-il.

- Dossier, exigeais-je dans un grognement.

- Il en est hors de question !

Je fis un pas en avant, l'air menaçant. L'homme se colla au mur, dans son dos. il savait d'où je venais, qui j'étais. Creeper avait été son patient.

- Si vous n'avez pas encore ma main autour de votre gorge, c'est parce que Kasia tient à vous mais ma patience à des limites. Elle veut son dossier pour partir en toute sécurité. Elle va l'avoir. Dépêchez-vous de me le donner.

Les mains tremblantes, il tentait de lutter contre ses instincts de préservations au profit de son professionnalisme, mais cela était peine perdue. Je n'avais aucune envie de me montrer mesurer en ce moment. Il se glissa contre le mur, afin de rester au plus loin de moi, et ouvrit le premier tiroir de son bureau pour en retirer une chemise beige, relativement épaisse, qu'il me tendit.

- Vous voyez quand vous voulez, dis-je, satisfait, en lui retirant la chemise des mains avant de m'écarter jusqu'à sortir de son bureau rapidement, presser par le temps.

Trials of the heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant