Chapitre 38 : Marlon (Version Réaliste)

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Je ne savais plus depuis combien de temps j'étais assis sur ce canapé mais cela devait faire un bon moment, au vu de l'odeur que dégageait mon corps. Maylis venait me voir chaque jour pour tenter de me remotiver et je devais avouer apprécier sa présence. Elle me la rappelait tant.

Kasia avait rendu l'âme la semaine dernière. Elle nous avait quitté en nous laissant le souvenir de son sourire, de son rire et de son bon cœur. Cela faisait, également, une semaine que j'étais au fond du trou. Cela pouvait être étrange étant donné le peu de temps que nous avions passé ensemble mais c'était la force de la jeune femme. On ne pouvait rester indifférent lorsqu'on se trouvait en sa présence.

Ce jour-là, j'étais resté immobile, les yeux sur son corps sans vie avant de me relever et quitter brutalement l'hôpital pour me rendre dans le premier bar que j'avais trouvé et j'avais commandé jusqu'à en perdre conscience. Depuis, je n'avais plus dessoulé. Je buvais pour faire passer la pilule. Mon père, puis Kasia. Un homme avait les épaules pour encaisser les épreuves de la vie mais avait, aussi, ses limites. Je savais que le club m'attendait pour reprendre les rênes mais je n'en avais rien à foutre. Tout ce que je souhaitais se trouvait dans ma main. Je portais la bouteille à ma bouche et laissais le liquide anesthésier chacune de mes pensées et la brulure dans ma poitrine. Malgré cela, les images de la jeune femme continuèrent à me torturer l'esprit. Je la revoyais encore et encore porter son regard sur moi, me parler de sa douce voix. Je l'entendais rire joyeusement. Et son sourire... ce putain de sourire allait avoir ma peau. Il y avait, à présent, tant de choses que j'aurais aimé partager avec elle. Elle aurait aimé savoir quel était le but de notre voyage pour m'aider dans ma tourmente. Je regrettais de ne pas avoir été plus communicatif avec elle. Elle s'était montrée si compréhensive. Pourtant ses yeux m'indiquaient qu'elle voulait tant savoir de quoi il en retournait. Il avait fallu que je joue au connard mystérieux. Il était trop tard.

L'après-midi même aurait lieu son enterrement. Je n'avais pas prévu de m'y rendre. D'après Maylis, je cherchais à renier sa mort. Peut-être avait-elle raison. Quoi qu'il en fût, la seule femme qui valait le coup d'oublier toutes les autres femmes venait de me lâcher. J'avais droit de partir en couille. Je me passais une main sur le visage, espérant effacer le visage de Kasia qui ne cessait d'apparaitre devant mes yeux, éveillant le trou dans ma poitrine. Cela était insupportable. Cela était invivable. Je ne comprenais pas cette douleur. Cela était la première fois que j'expérimentais la souffrance de l'abandon. C'était irrespirable.

Je me levais du canapé difficilement et maladroitement. Je faillis tomber au sol tant la pièce tournait autour de moi. Quelqu'un de sensé se nourrirait, cesserait de boire, irait prendre une douche et une bonne nuit de sommeil. J'avais perdu tout sens commun. Je me laissais sombrer sans protester. J'étais une véritable loque. Je me dirigeais vers la fenêtre. Le monde continuait à tourner. Cela me semblait si étrange qu'il ne se soit pas stoppé ce jour-là. Ma vie, pourtant, avait cessé alors comment se faisait-il que tous ces gens continuer à vivre normalement ?

La colère prit possession de moi alors. Pourquoi tous ces gens n'étaient pas attristés par la perte d'une femme telle que Kasia ? Ne devraient-ils pas tous pleurer sa mort ? En être affectés ?

Partager entre la réalité et la folie, je balançais ma bouteille contre un mur pour faire passer mes nerfs. Je fixai le liquide dégouliner le long du mur en brique rouges jusqu'au sol, comme hypnotiser.

- Ça t'a soulagé ?

Je ne l'avais pas entendu entrer. Je me tournais vers Maylis en grognant. Je trébuchais légèrement et finis par tomber sur le fauteuil, près de moi.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Je suis venue t'aider à te préparer.

- Je n'irais pas, Maylis.

- Il faut que tu y ailles, Marlon.

- Non, gueulais-je.

- Regarde-toi. Tu es dans un état catastrophique. Il faut que tu y ailles pour lui faire tes adieux. Tu ne parviendras pas à faire ton deuil autrement.

- M'en fous.

Je l'entendis soupirer. Elle le faisait de plus en plus, en ce moment. Cela avait pour conséquence de me gonfler prodigieusement. Elle vint s'agenouiller devant moi. Elle posa ses mains sur mes genoux.

- Je sais que c'est douloureux, mon frère, mais il faut que tu y fasses face. Elle est morte...

- Arrête !

- Non, gueula-t-elle à son tour. Elle est morte, Marlon. Elle ne reviendra pas. Elle est en paix. Je suis sûr qu'elle ne voudrait pas que ta vie s'arrête à sa mort.

- Tu ne sais rien d'elle, d'accord alors ne parle pas en son nom, hurlais-je, la faisant reculer.

Une silhouette entra dans mon champ de vision et Maylis tendit le bras en arrière pour l'arrêter.

- D'accord. Je m'avance peut-être... mais est-ce que tu peux me dire le contraire ?

Je me relevais rapidement, ignorant les secousses sismiques qui semblait s'être emparé de ma tête pour aller chercher une nouvelle bouteille.

- Ah non. Ça suffit ! Ce n'est pas comme ça que tu pourras t'en sortir.

- Qui te dit que je veux m'en sortir, bordel ?!

- Marlon, je t'en prie, me supplia-t-elle.

- Écoute ta sœur, Boss, intervint Sonny.

- Va te faire foutre. Dégagez de chez moi.

Je me rallongeais sur le canapé, tequila en main. Je posais un bras sur mes yeux et me laissais aller à ma beuverie jusqu'à ce que celle-ci disparaisse de mes mains.

- Tu te lèves immédiatement, m'ordonna-t-elle. J'ai voulu agir avec douceur avec toi, comprenant ta peine mais là, ça suffit. Tu vas te bouger. Tu es en colère ? hurle, tape. Tu as de la peine ? pleure, mais arrête de chercher à oublier parce que tu n'y arriveras pas. Elle ne quittera pas ton esprit tant que tu n'auras pas fait ton deuil et même là, elle ne le quittera pas. Avec le temps, la douleur s'atténue mais il faut, tout d'abord faire ton deuil, Marlon. C'est indispensable. Laisse-la partir... accorde lui la paix. Pour ça, il faut que tu la laisses partir.

Je savais qu'elle avait raison mais cela était tellement difficile. J'ai aimé cette femme. J'avais décidé de faire d'elle ma régulière. Cela n'était pas une décision prit à la légère. Je voulais la conquérir dès qu'elle aurait été en meilleur forme. Après sa greffe par exemple. Malheureusement, son nouveau cœur était arrivé avec plusieurs heures de retard. Anton avait trouvé celui qui aurait été à cent pour cent compatibles, deux heures après sa mort. Cela m'avait laissé un gout amer dans la bouche. Je m'étais vengé pour cela en m'en prenant directement à la personne concerner en tirant une balle dans la tête d'Anton. Kasia avait perdu la vie. Dans mon esprit malade, Anton ne pouvait vivre car il ne l'avait pas sauvé.

Je me redressais en position assise sans la lâcher du regard. Je lui pris la main et soufflais.

- Très bien. On y va... laisse-moi prendre une douche et j'arrive...

Trials of the heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant