A côté du papillon

1. Loin là-bas

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1.

Je ne sais pas exactement à quel moment de ma vie je pourrai commencer cette histoire. Pourtant, chaque histoire doit avoir un début, un milieu et une fin, semblerait-il. Mais est-ce l'instant où j'ai compris, l'instant où j'ai su, où l'instant où j'ai pris la décision...

Toujours est-il que pour une fois, je connais la fin de l'histoire avant même de l'avoir commencé.

Si je regarde en arrière, la première image qui m'apparait, c'est cet horrible tas de ferraille me servant de voiture, que je découvre devant cette station essence au milieu de nulle part ce mardi matin.

-Vous aviez dit que la voiture importait peu, me rappelle le vieil homme devant moi, crapotant son tabac d'un air dédaigneux.

Je me contente de regarder ces pièces de métal assemblées qui sont censées me permettent de faire les derniers kilomètres de mon périple, et soupire.

-Ca ira...

Je lance mon sac de tissu à l'arrière de cette espèce de pick-up d'un autre temps, et m'apprête à grimper au poste de conduite. Je sursaute presque lorsque le vieil homme vient s'appuyer au rebord de la portière, mâchant sans aucun raffinement son tabac.

Il me fixe un instant, presqu'intrigué par mon périple, et je devine un petit sourire que je n'apprécie qu'à moitié.

-Autre chose ?, tentais-je de demander en cachant ma légère impatience.

-Il faut embrayer deux fois pour passer les vitesses. La direction est un peu rude parfois alors... Alors n'hésitez pas à forcer.

-Bien... Merci.

-C'est la dernière station avant un paquet de kilomètres, alors je vous ai fait le plein et j'ai mis deux bidons à l'arrière. Juste au cas où.

Je me retourne et découvre les objets en question, posés sans trop de précautions sur la banquette derrière moi.

-Oh... Trickston est encore loin ?, demandais-je alors.

-Trickston ? Et bien... Disons que vous aurez bien besoin de mes bidons... Qu'est-ce que vous allez faire dans ce trou ?

Il gratte ses quelques cheveux gras et remonte ses lunettes de soleil un peu bancales.

Je tourne la clé dans le contact en serrant les dents, ayant presque peur que l'engin n'explose à chaque instant.

-Beaucoup de choses..., me contentais-je de répondre.

Je passe une vitesse dans un grincement peu rassurant, et à ma grande surprise, l'engin avance. D'abord hésitant, toussotant, puis finalement semblant trouver son rythme de croisière.

Je tourne le volant en l'agrippant des deux mains et m'amène jusqu'à la route encore un peu bétonnée.

Après quelques minutes, la station derrière moi n'est plus qu'une minuscule fourmi dans le rétroviseur. Et je décide tout aussi symboliquement, que c'est la dernière fois que je regarderai derrière moi.

Je finis par m'habituer au bruit grinçant de la mécanique. Après quelques heures sans doute.

Les cheveux au vent, le coude sur le rebord de la vitre, je plisse les yeux pour ne pas recevoir trop de sable, et finis par enfiler mes lunettes de soleil.