19. Une dernière fois.

141 21 1
                                    

19.

-Attention !, me hurle David alors que je lâche les mains du guidon.

Mais il éclate de rire avec moi, tandis que je ferme les yeux, laissant l'air chaud de la fin de journée me fouetter le visage. Autour de nous, les couleurs oranges du couché de soleil me donne envie de m'envoler.

-Youhou !

Il arrête de pédaler pour nous laisser glisser le long de la petite pente face à nous, debout sur les pédales, et vient enfuir son visage dans mon cou.

Nous sommes deux enfants. Deux enfants insouciants et totalement irresponsables. Mais je me rends compte à quel point cela fait parfois du bien de se laisser simplement aller.

Quelques petits cailloux manquent de nous faire perdre l'équilibre et je me raccroche au guidon en éclatant de rire de plus belle.

-Je t'aime..., murmure-t-il à mon oreille.

Je viens juste poser une main contre son visage derrière moi, sentant la chaleur de sa joue sur la mienne, et me décide à savourer cet instant, à l'imprimer dans ma mémoire, à déguster chaque seconde trop courte. Nous roulons plus vite, nous courons après le temps, nous accélérons pour vivre le plus de choses possibles. Sans y penser...

Tic tac, me dit mon cœur qui faiblit.

Et alors que je me nourris de chaque seconde, j'imagine un compteur au dessus de moi où chacune défile jusqu'au zéro.

Je secoue la tête, voulant m'ôter cette vision de l'esprit, et souris à nouveau.

Sourire. Toujours sourire...

Alors que la nuit pointe le bout de son nez, nous arrivons enfin (ou déjà) devant la maison de Gérard.

Nos éclats de rire se tarissent un peu, mais les sourires ne quittent pas nos visages, la mémoire emplit de cette journée et de tous les instants de complicité magiques qui ne sont déjà plus que des souvenirs dont nous sommes à présent nostalgique.

Nous échangeons encore quelques regards, sans avoir besoin de parler plus, la vision de l'autre nous arrachant la naissance d'un nouveau rire qui m'épuise les zygomatiques.

David vient poser son vélo contre le mur, alors que j'entends le bruit caractéristique de la moustiquaire qui s'ouvre. Je sautille comme un cabri, trop heureuse de raconter cette folle journée à mon ami.

-Gérard ! On a passé une journée géniale, on a fait du shopping et...

Mais son air grave me coupe aussitôt dans mon élan. David me rejoins et semble aussi percevoir ce quelque chose qui ne va pas.

-Gérard ? Tout va bien ?...

-Heu... je... Vous ne voulez pas entrer cinq minutes ?

Je fronce les sourcils, brusquement inquiète. Et c'est comme si en un regard, il avait sucé toute mon énergie, tout le bien-être qui était si fort que je n'avais pas ressenti les douleurs de mon corps qui brusquement rejaillissent.

Je sens mon ventre se tordre de douleur, mais mon inquiétude pour mon ami est bien plus grande que celle pour mon état.

-Qu'est-ce qu'il y a ?, insistais-je alors qu'il nous fait encore signe d'entrer.

Je sens ma gorge se serrer, et je lui en veux presque, égoïstement, d'avoir gâché ce bien-être dans lequel je baignais.

Nous le suivons dans le salon, David prenant ma main et la serrant. Là, j'aperçois sur la table des tas de paperasses, de dossier et de vieilles images.

A côté du papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant