14. L'équilibre des choses

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14.

-Bonne nuit, dit-il pour la dixième fois à voix basse pour ne pas réveiller Gérard.

-Bonne nuit...

Il serre ma main et m'embrasse encore, se séparer après tant d'intimité étant un déchirement.

Nous restons malgré tout encore quelques minutes là, sur le pas de la porte comme trop souvent, à faire durer l'instant tant que possible.

Je m'éloigne enfin de lui, la raison reprenant un peu le dessus dans cette parenthèse enchantée, et garde sa main dans la mienne jusqu'à ce que la distance nous sépare alors que je monte les marches.

Je me retourne un dernier instant, comme une adolescente après sa première nuit, et lui adresse un sourire auquel il répond d'un signe timide de la main.

Je pousse la porte dans un soupir déjà nostalgique, et vient monter les escaliers, un sourire puérile toujours sur les lèvres.

Je passe à la salle de bain, découvrant mes joues rougies dans le miroir. Je suis bien ravie de ne pas croiser Gérard, car il est évident que mon délicieux corps à corps se lit sur mon visage comme dans un livre ouvert.

Je passe le bout de doigts sur ma peau rosie, me rappelant alors aussitôt à sa caresse. Fermant les yeux, je mordille ma lèvre alors que le souvenir déjà trop lointain de sa peau contre la mienne me revient.

Son souffle dans mon cou...

Ses gémissements graves et excitants...

Son torse brûlant contre moi, ses mains, ses hanches et tout le reste...

J'ouvre grands les yeux, espérant revenir à la raison. Mais brusquement, alors que j'avais envie de tout, sauf de ça, une violente nausée traverse mon œsophage.

Je me précipite jusqu'aux toilettes, soulevant la cuvette et venant m'accroupir alors même que le peu de nourriture dans mon corps s'extrait de moi.

Mon abdomen se contracte, crachant de la bile et du vide, arrachant mes tripes au passage.

Comme une violente gifle, je suis projetée hors de mon rêve éveillée, tenant mon ventre en espérant adoucir la douleur. Et lorsqu'enfin j'arrive à passer quelques souffles d'air au travers des contractures, j'essuie au passage les larmes de douleurs qui roulent sur mes joues.

Est-ce un jeu malsain et sadique ? Est-ce une punition après chaque instant trop agréable ? Est-ce pour me rappeler de bien en profiter car ils ne dureront pas ?!

Mon visage gonflé se contracte, épuisé, laissant les larmes exploser avec lui. Je voudrai bien hurler, de colère, de rage, mais je sais que Gérard n'est pas loin.

Alors je me contente de m'assoir, là, sur le carrelage après avoir tiré la chasse et fixer le vide devant moi.

Décidant de laisser les larmes s'extraire, je me mouche dans le papier juste devant moi, avant de m'adosser à nouveau contre le mur.

Et j'ai beau me dire que je refuse de me laisser abattre, que je refuse d'être faible, lorsque je lève les yeux au ciel, ce n'est que le plafond jaunit et craquelé des toilettes que je découvre à la place d'un feuillage couleur vieux rose...

Après quelques minutes sans arriver à me sentir mieux, les nausées me reprennent.

Je passe la nuit à me battre avec mon corps, cherchant l'équilibre au plaisir ressenti plus tôt en me submergeant de douleur.

Et ce n'est qu'au petit matin que j'arrive à rejoindre mon lit presqu'en rampant, m'écroulant sans défaire les draps, insultant cette maladie d'inonder mes souvenirs de mon homme avec d'autres de douleur et de tragédie...

A côté du papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant