15. Repartir ou partir

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15.

-Tu crois qu'un jour on pourra faire l'amour dans un lit ?...

-C'est tellement surfait, un lit... Je préfère faire ça au milieu d'une serre, sur une table, avec une nuée de papillons qui s'envolent, pas toi ?

David me dit ça avec la plus grande simplicité, comme si tout ce que nous vivions était à peine plus excitant que le quotidien d'un couple après quelques années de mariage.

J'éclate de rire, me roulant sur le côté et appuyant sur mon coude pour l'observer. Au milieu de ce champ, cachés du reste du monde par un cocon de blé, nous nous sommes allongés après avoir marché un peu en attendant que nos vêtements ne sèchent. Et nous avons finis par nous allongés là, au milieu de nulle part derrière chez lui, observant la course du soleil dans le ciel brûler nos peaux presqu'encore nues.

Du bout du doigt, je viens caresser les contours de son torse imposant. Il tourne la tête, les bras relevés et les mains dans la nuque.

Il a l'air si heureux, apaisé, serein, qu'il me semble que sa légèreté m'est un peu contagieuse tant je suis à l'instant détendue.

-Il n'y a jamais personne qui passe dans ce champ ?, m'inquiétais-je alors.

-Parce que tu crois que je prendrai le risque que quelqu'un ne puisse te voir en sous-vêtements ?

-Hum... Un brin jaloux ?

-Non..., dit-il dans un sourire qui le trahit.

-Possessif alors ?

Il se redresse brusquement, attrapant ma taille et d'une main, m'oblige à m'allonger, à sa merci.

-Tu appelles ça comme tu veux, mais je compte bien être le seul qui puisse se délecter de ce spectacle... enivrant...

Il baisse les yeux, passant une main sur ma peau tout en restant en appuie sur l'autre. Puis du bout des doigts, il vient caresser ma joue presqu'avec une timidité paradoxale, plongeant un regard douloureux dans le mien.

Je fronce les sourcils, sentant que quelque chose le tracasse.

-Tu pourrais rester..., dit-il après avoir apparemment peser ses mots mille fois dans sa tête.

Et brusquement, c'est comme s'il avait en trois petits mots, arracher le masque féerique sur mes yeux, me replongeant dans la douleur et la torpeur qui m'avait quitté quelques heures.

Je ferme les yeux dans un soupir, posant la main sur mon front, lui en voulant aussitôt de gâcher cet instant parfait.

-David...

-Rien ne t'oblige à repartir, tu pourrais rester, Charline...

-Pourquoi faut-il que tu gâches tout...

-On n'est pas bien là ? Tu n'es pas bien avec moi ?

-Si, bien sûr que si, dis-je en me redressant et l'obligeant à retourner à mes côtés.

-Ca pourrait être tous les jours comme ça, tout ça pourrait ne jamais s'arrêter !, dit-il avec désespoir.

-David, il faut que tu comprennes une fois pour toutes que si je pouvais rester, je le ferai, ce n'est pas une question de choix...

Je me relève, époussetant ma peau marquée par les épis de blés, sentant bien qu'à présent, la magie si fragile s'est brisée pour aujourd'hui.

-Bien sûr que si, ce n'est que ta décision, tu peux rester ici !

Je fais quelques pas, m'éloignant de lui, m'éloignant de cette supplication à laquelle je ne peux répondre et qui finit par m'arracher à nouveau les tripes.

A côté du papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant