11.
J'ai mal dormi. Bien sûr. Evidemment. J'ai fixé le plafond pendant des heures, voyant la lueur de la lune passer d'une fenêtre à l'autre, puis la douceur d'un soleil que je maudis presque pointer le bout de son nez. Et lorsque je descends les escaliers après une douche glacée qui n'a servie à rien, je ne suis que l'ombre de moi-même.
Je me suis repassé cent fois le film de ces quelques minutes. J'ai fermé les yeux mille fois en frissonnant du souvenir de ses lèvres sur les miennes. Et alors que ce pas franchi, cette étape, cette porte que je n'ai pas ouverte mais qu'il a défoncée à coup de pied aurait pu être une évidence, ce n'est qu'une montagne de tourments dans ma tête.
J'aurai bien besoin de temps, pour comprendre, pour décider, pour peut-être prendre mes affaires et partir tant qu'il est temps, ou au contraire aller le retrouver et profiter de ces instants avec lui. Mais le temps n'y fera rien. Mes tourments seront toujours là quelques soient mes choix. Et pour une fois, je crois que j'aimerai bien qu'on décide pour moi...
-Vu ce qu'il s'est passé hier, j'aurai pensé que tu aurais dormi comme un bébé, me dit Gérard en servant le café dans un clin d'œil complice.
Bien sûr, s'eut été stupide que d'imaginer qu'il n'avait pas suivi toute la scène depuis la fenêtre de sa chambre !
-Malheureusement, tout ça n'est pas si simple...
Je finis le croissant frais en me forçant, cherchant à ne pas croiser son regard amusé.
-La vie est simple, Charline. Tu devrais parfois savoir te contenter de savourer les choses comme elles viennent au lieu de te poser trop de questions. Elle est bien trop courte, crois-moi...
Je lève les yeux vers lui, et lis dans son regard triste la nostalgie de la perte de la femme de sa vie. Et pour la première fois, j'ai presque l'impression que finalement, nous pourrions nous comprendre.
Je me contente d'un sourire compatissant et viens l'aider à débarrasser.
-Et puis, c'est un garçon tenace, dit-il soudain en tournant la tête vers la porte d'entrée.
Je fronce les sourcils, un instant ne comprenant pas, et regarde ce qu'il fixe. La porte. Oh... Bien sûr...
D'un pas timide, j'avance vers l'entrée, sachant presque d'avance ce que je vais y trouver. Je pousse un soupir que j'aurai voulu agacé en ouvrant la porte, mais qui est malgré moi accompagné d'un sourire flatté.
-Tu ne lâches pas facilement l'affaire hein ?...
David me regarde, tentant de faire bonne figure, mais je le sens un peu gêné, sans doute autant que moi. Je lis dans son regard fatigué qu'il a peut-être aussi peu dormi que je l'ai fait, mais il se contente d'ouvrir la portière de son pick-up pour m'indiquer de monter.
Je retiens cet éclat de rire qui me submerge, et grimpe à ses côtés.
Les premiers kilomètres se font dans le silence. Je ne sais s'il est trop tôt pour parler de ce qu'il s'est passé quelques heures auparavant, ou si cela devra rester un instant d'égarement à jamais tabou, mais pour l'instant c'est une atmosphère oppressante que nous tentons l'un comme l'autre de détendre à travers quelques sourires nerveux.
-Je doute qu'il y est grand monde aux champs aujourd'hui, vu l'état dans lequel sont rentrés certains hier, tente-t-il de sourire.
-Je t'avoue que je n'ai pas beaucoup dormi non plus !
J'essaye de tenir une conversation basique, mais je comprends bien vite que chaque mot risque de prêter à confusion.
-Moi non plus..., se contente-t-il de répondre en fixant la route.
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A côté du papillon
RomanceC'est une nouvelle vie, une nouvelle ville, un nouveau départ... Lorsque Charline quitte tout pour se réfugier dans une petite ville totalement perdue de l'Ouest américain, c'est à première vue pour respirer un peu, prendre le large. Mais au fur et...