24.Ce qu'il y a de triste dans la vie.

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24.

Ce qu'il y a de triste dans la vie, c'est qu'on ne savoure jamais un instant comme il se doit de l'être, en pensant qu'il y aura toujours un lendemain.

Ce qu'il y a de triste dans la vie, c'est qu'on se dit qu'on verra demain, parce qu'il y aura toujours un lendemain. Parce qu'on se relèvera toujours après s'être endormi un soir, parce qu'on ferme les yeux en ayant hâte de les ouvrir à nouveau.

Et qu'on ne sait jamais à quel moment on ne les ouvrira plus...

Si j'avais su que je ne verrai pas la soirée de mon mariage, si j'avais su que je n'entendrai pas ce fameux discours, est-ce que je serai allé me coucher quelques heures ? Si j'avais su que David allait passer la nuit à me soutenir alors que je terminer de vomir, de me tordre de douleur, de cracher du sang, serais-je allé juste reprendre des forces ?... Si j'avais imaginé notre nuit de noce ainsi, moi transpirante dans ma robe blanche, lui, sa chemise un peu ouverte, son nœud papillon défait, à me serrer dans ses bras après avoir expliqué aux invités que les festivités s'arrêtaient là, ne serais-je pas rester jusqu'au bout avec eux ?

On ne sait jamais, lorsqu'on ferme les yeux, si on va les ouvrir à nouveau, et comment va être le monde qu'on va découvrir si on les ouvre...

J'aurai préférer partir ainsi, dans mon sommeil, le sourire aux lèvres, des images féériques plein la tête. Et je déteste mon corps de continuer à se battre alors que plus que jamais je suis prête.

Je passe des jours et des nuits là, dans ce lit qui semble devenir ma dernière demeure. Je n'ouvre les paupières que quelques minutes de temps à autre, voyant le soleil emplir la pièce, puis la noirceur de la nuit.

Et à chaque fois, David est là, à mes côtés. Pas une fois, il ne faiblit, pas une fois, il n'est absent.

Il s'endort parfois, la tête affalée sur le bord du lit, tenant toujours ma main.

Je remarque à peine qu'il m'a changé, qu'il m'a lavé. Lui-même a enfilé rapidement un marcel et un jean qui ne semblent plus le quitter.

Avoir simplement conscience de mon corps est une souffrance. Et j'en veux à la vie de faire ainsi durer le supplice alors que je sens que je me réveille.

Je gémis un peu, luttant pour respirer, luttant pour déglutir, et encore plus pour ouvrir les yeux.

-Bonjour..., dit sa voix rocailleuse en me caressant la main.

J'entrouvre les paupières dans un effort surhumain et j'arrive à sourire et le voyant pencher sur moi.

Il se penche un peu, caressant mon visage. Son regard a ce quelque chose qui me fait mal. Ce quelque chose qui me brise et me fait prier que la fin soit proche. Il tente de cacher sa souffrance au travers d'un sourire timide, mais je ressens d'ici comme de poser les yeux sur moi est une torture.

-Comment te sens-tu ?, murmure-t-il.

-On a connu des jours meilleurs, dis-je dans un souffle.

Il rit, touché que je trouve encore un peu d'humour dans tout cela.

Je perçois des voix derrière la porte et tente de tourner la tête.

-Il y a du monde ?

-Juste le médecin. Je sais que tu ne l'aime pas, mais il te donne ce qu'il faut au moins pour la douleur...

Je ne dis rien. Je ne lui en veux pas. Je sais qu'il a arrêté de se battre et qu'il cherche juste à me soulager.

-J'ai... j'ai une petite surprise pour toi...

A côté du papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant