16.
Un frisson me parcourt, alors que l'air frais de la nuit commence à s'immiscer au travers de mon pull fin. Mes pieds frôlent l'eau, alors que je suis assise sur ce ponton, au fond du jardin, depuis un temps que j'ai bien du mal à définir.
J'ai pleuré, en pensant à David, au mal que je viens d'incruster dans son existence. Puis, j'ai ris, songeant aux moments magiques, à nos instants de complicité. Pour pleurer à nouveau...
Mais à présent, il me semble que je n'ai plus d'énergie ni pour l'un, ni pour l'autre. Et je me contente de regarder l'horizon, passer par toutes les couleurs jusqu'à n'être plus qu'un bleu profond se reflétant à la surface de l'eau devant moi.
-Tiens, mets ça sur tes épaules. Ce n'est pas la peine de tomber malade en plus...
Je me retourne et découvre Gérard, timide, fuyant mon regard, mais avant jusqu'à moi pour poser un plaid sur mes épaules. Il déplie une petite chaise en tissu et vient s'installer à mes côtés, fixant le vide avec moi.
Un instant, je me demande s'il sait. Mais bien sûr qu'il sait. Ici, toutes les rumeurs et les nouvelles se déplacent plus vite que l'air...
-Tu as envie d'en parler ?..., ose-t-il enfin.
-Non, pas vraiment... Ca ne vous dérange pas ?...
-Non, je comprends. Et je suis là si tu as besoin...
Et ces quelques mots sont l'immense réconfort dont j'avais simplement besoin, après la rage, la colère et les reproches.
Dans un instant enfantin, je me décale un peu et viens poser ma tête contre ses jambes, respirant à nouveau un peu plus.
Il pose une main dans mes cheveux, et me caresse comme un père rassurerait sa fille. Et je ferme les yeux, presque sereine quelques secondes.
-C'est pour ça que tu voulais partir ? Pour lui épargner la peine de te perdre ?
-Entre autre... A lui comme à tous ceux à qui je me suis attaché en quelques semaines...
-Je vais peut-être me montrer intrusif, et surtout n'hésite pas à me dire si mes questions deviennent inconfortables mais... Quitte à partir, autant le faire entouré des gens qu'on aime non ?...
Je fixe un point dans le vide, soudainement accaparé par tous les souvenirs dont mon métier m'a submergé. Et dans un tremblement, je cherche mes mots pour retranscrire tout l'enfer que je veux leur épargner...
-J'étais spécialiste en cancérologie. Une grande spécialiste, renommée. Les gens se déplaçaient du monde entier pour venir me voir, plaçant en moi tant d'espoirs... Mais Gérard, parfois, souvent, je ne pouvais plus rien faire pour eux... Et voir leurs proches, anéantis, voir la personne qu'ils aiment dépérir, jusqu'à ne plus être elle-même, abrutie par les médicaments... Non, non, je ne peux imposer ça à personne...
J'ai dit tout cela d'une traite, parlant au vide, à l'univers, à moi-même autant qu'à lui. Et j'admets que ça me fait du bien de percer l'abcès...
-Mais pour le malade ?
-Quoi le malade... ?
-Tu parles du point de vue de la famille, mais le malade, celui qui vit ses derniers instants...
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A côté du papillon
RomanceC'est une nouvelle vie, une nouvelle ville, un nouveau départ... Lorsque Charline quitte tout pour se réfugier dans une petite ville totalement perdue de l'Ouest américain, c'est à première vue pour respirer un peu, prendre le large. Mais au fur et...