9. L'étrangère

119 25 1
                                    

9.

J'ai bien fait cents pas devant le café où travaille Léa, hésitant tout autant de fois à entrer pour ne pas risquer de croiser David. J'ai beau me répéter que je n'ai aucune raison d'appréhender cette soirée, je sais déjà que c'était une mauvaise idée d'accepter son invitation.

Enfin, alors que les lumières devant la petite bâtisse de bois s'éteignent, elle franchit la porte et m'explose son sourire au visage.

-Charline ! Pourquoi n'es-tu pas entré !

-Et bien, je... Je ne voulais pas déranger...

-Tu ne déranges pas voyons ! Et il fait froid en plus ! La prochaine fois, ne te pose pas la question !

Donc il y aura une prochaine fois... Elle m'attrape par le bras comme une vieille copine et me tire à travers la rue avec un enthousiasme qui ne semble jamais la quitter.

-Nicolas a ouvert ce soir, ça te dit de manger là-bas ?

-Heu... Nicolas ?

-Oui, nous n'avons pas à proprement dit de restaurant, mais de temps en temps, Nicolas ouvre sa terrasse pour ceux qui veulent un peu sortir. Et il cuisine comme personne !

-Bien, alors je te fais confiance...

Je rêverai de pouvoir sauter partout comme elle, mais je n'arrive pas à me détendre pour l'instant, surveillant chacun de mes mots pour ne pas risquer de briser cette joie de vivre qui la distingue de tous.

-Super ! Viens !

Elle tire un peu plus sur mon bras, m'emportant dans son élan alors que les petites échoppes autour de nous ont toutes depuis longtemps baissés leur rideau.

J'entends déjà au loin une musique guillerette parmi des voix, jusqu'à finir par apercevoir quelques lampions illuminant une maison à la fin de cette rue menant vers le néant.

Les éclats de rire bercés de musique me détendent enfin un peu, et alors que je découvre une terrasse bondée, baignant sous la lueur des bougies et des lampions, je sens la délicieuse odeur venir chatouiller mes narines.

-Hey, les filles !, hurle une voix grave pleine de joie.

Léa se précipite vers un homme en tablier au milieu des tables et le serre dans ses bras.

-Nicolas ! Comment vas-tu ! Je te ramène une amie, j'espère que tu nous as préparé quelque chose de bon !

-Comment oses-tu en douter ! Une table pour deux ?

L'homme nous installe dans un petit coin bordé de fleurs, une bougie servant de seule lumière et nous entourant d'un cocon doucereux.

-C'est un peu l'évènement lorsque Nicolas ouvre ses portes. Ca et les fêtes de demain, ça réunit tout le village, c'est super sympa. Et parfois même il y a des petits groupes de musiciens comme ce soir, dit-il en indiquant le violoniste, le percussionniste et le chanteur un peu plus loin nous berçant d'une musique pleine d'entrain.

Je me tourne et les découvre, frappant un peu dans les mains avec les autres et applaudissant à la fin du morceau.

-Peut-être que David viendra jouer quelque chose !, dit-elle en sautillant.

Mon estomac se retourne une dizaine de fois à ses mots, et j'ai peur de ne pas retenir mon expression pleine d'effroi.

-Da... David ?!

-Oui, il accompagne parfois des chanteurs à la guitare. Je crois qu'il ne jouera pas demain, alors il y a peut-être une chance qu'il vienne ce soir !

A côté du papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant