22.
Comme toujours, il est parfait. Comme toujours, il réagit d'une façon dont je n'aurai même pas osé espérer. Il est là, juste ce qu'il faut, pour me rappeler que je ne suis pas seule, et ne s'impose pas, juste assez pour me laisser le temps d'assimiler cette journée folle. Peu à peu, heureuse après heures, puis jours après jours, j'arrive à comprendre ce qu'il vient de se passer. J'arrive à comprendre que le but, l'objectif, qui a si longtemps animé ma vie, a été d'une certaine façon atteint. Que les réponses aux questions qui nourrissaient ma rage sont comblées.
Mais cette sensation est déroutante, perturbante. Comme d'avoir toute son existence couru après quelque chose et finalement le trouver, pour finir par se dire : et maintenant ? Maintenant que je sais ? Maintenant qu'en quelques heures passées, si rapides, j'ai eu toutes ces réponses, alors quoi ? C'est tellement frustrant... J'aurai voulu que tout cela dure des heures, des jours, des semaines... Que mes vides se remplissent petit à petit, que je savoure de m'être battue tout ce temps et me battre encore. Mais non, quelques mots, quelques phrases, et voila que brusquement, je n'ai plus d'objectif, je n'ai plus rien qui me dise que je dois encore tenir le coup, jusqu'à savoir. Parce qu'à présent, je sais. Et pire encore ; je comprends...
Et alors que je l'ai détesté, alors qu'elle arrivait à nourrir une rage dont j'étais devenue familière et qui faisait mon quotidien, soudainement ses réponses créé un nouveau vide. Celui d'un but que je n'ai plus. Celui de quelque chose qui m'oblige à m'accrocher et qui brutalement n'est plus...
Et je passe ainsi plusieurs jours à n'être plus que l'ombre de mon ombre. Un fantôme indéfinissable, cherchant quelque chose à quoi se raccrocher...
Et c'est un matin de plus, sans but, sans raison, qui s'annonce alors que j'ouvre les yeux. Ces quelques secondes de conscience, où on passe du rêve à la réalité, sont déjà un poids de trop. Et je pousse un long soupir en regardant le plafond devant moi.
Je me déteste à penser que je suis fatiguée d'attendre, fatiguée de vivre, parce que David est là, et qu'il ne mérite pas de ne pas être à mes yeux quelque chose qui me donne envie de vivre. Et pourtant, je n'y arrive pas. Je n'y arrive plus... Je suis presque déçue en me réveillant chaque matin et m'apercevant que je n'ai pas été emportée dans mon sommeil.
Je tourne douloureusement la tête, et découvre le lit vide à côté de moi.
Et je soupire à nouveau...
Mon corps est devenu une chose lourde et handicapante, un poids qui m'accapare et dont j'aimerai tant me débarrasser... Je grimace en me redressant tant bien que mal sur le bord du lit, fixant mes pieds et reprenant déjà mon souffle.
Encore une journée.
J'enfile ce qu'il y a de plus simple à mettre, une simple robe sans bouton. Parce que seule, chaque vêtement devient peu à peu une épreuve.
-David ?, dis-je la voix faiblarde en descendant les marches une à une.
Je perçois un son lointain, indescriptible, comme une mélodie. Juste un piano.
-David ?...
Je m'arrête au milieu de l'escalier, prenant quelques instants pour reprendre à nouveau ma respiration comme après un marathon. Et je peste. Je râle, je hurle intérieurement. Je m'en veux. J'en veux à David de ne pas être là. J'en veux à Martha de m'avoir tout livré comme un boulet de canon qui m'a brusquement extirpé mon dernier souffle de force. Comme si mon corps savait qu'à présent, je pouvais arrêter de me battre. Comme s'il avait compris avant moi que j'étais prête à partir à présent...
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A côté du papillon
RomanceC'est une nouvelle vie, une nouvelle ville, un nouveau départ... Lorsque Charline quitte tout pour se réfugier dans une petite ville totalement perdue de l'Ouest américain, c'est à première vue pour respirer un peu, prendre le large. Mais au fur et...