4. Juste "ok"

251 25 4
                                    

4.

Lorsque je redescends à la cuisine, je n'y trouve personne. Je penche la tête dans le salon que nous venons de redécorer, la bâche au sol a disparue, laissant découvrir un parquet clair. Les pinceaux trempent dans l'évier, et les pots de couleurs sont sagement alignés sur la table.

Je fronce les sourcils, me demandant même à un moment s'il n'est pas allé se coucher, lorsque je perçois un mouvement sous le porche.

Dans un reflexe un peu bizarre, je rajuste mes cheveux hirsutes et vient pousser la moustiquaire.

Il est là, juste devant moi, assis sur les marches du perron et me tournant le dos. Il prend presque toute la place avec sa carrure de paysan, et je me surprends à m'attendrir de cet ours au cœur tendre.

Sentant ma présence, il se retourne et me sourit, illuminant la nuit et me montre une tasse de thé posée à côté de lui.

-Vous avez déjà l'air plus humaine comme ça !

M'entourant de mes bras dans l'air frais me traversant d'un frisson, j'avance, hésitante, et viens m'asseoir à ses côtés. Il me tend ma tasse et boit dans la sienne, son regard se perdant devant l'immensité de nature devant nous.

-Vous pensez que ma dette est remboursée à présent ?

-Je ne sais pas, qu'en pensez-vous ?

-Et bien vous vouliez repeindre votre salon en blanc, nous l'avons repeint en tout sauf blanc... C'est à vous de voir...

Nous échangeons un rire, sans tension ni gêne, et je me surprends à simplement apprécier l'instant.

-Il n'est pas question de dette ici. Ce n'est pas un donné pour un rendu... Vous faites quelque chose pour la ville, et la ville fait quelque chose pour vous, sans que ce soit nominatif pour autant.

-Donc tout le monde travaille, mais personne n'est payé ?

-C'est ça.

-Et chacun se sert librement ?

-C'est ça.

Je secoue la tête, n'arrivant pas à concevoir un système fait ainsi sur le partage et la bonne foi.

-Quoi ? Qu'est-ce que vous ne comprenez pas ?, me demande-t-il en se penchant un peu vers moi.

-Je... Si tout est gratuit, offert, comment se fait-il que personne n'en abuse ?!

Il sourit et regarde devant lui, apparemment habitué à cette incompréhension.

-Vous autres, les gens de la ville, vous pensez tout de suite qu'on a besoin de posséder pour être heureux. Alors que si chacun se contente du nécessaire pour vivre, le monde serait bien plus équilibré...

-Mais il y a toujours des gens qui veulent en profiter, et prendre toujours plus...

-Et c'est pour cela qu'il est difficile de s'intégrer ici. Vous devez faire vos preuves, montrer que vous adhérer à notre mode de vie sans en abuser.

J'opine du chef, les pièces du puzzle peu à peu me semblant presque cohérente. Je médite un instant sur ces paroles, imaginant un monde entier basé sur cette façon de faire, ce partage, cette honnêteté. Cela semble tellement utopique, tellement irréel...

-Vous avez quitté Trikston parait-il ?

Il sourit, pris au dépourvu, et fixe ses mains entourant la tasse minuscule entre ses doigts larges et forts.

-Vous savez décidemment beaucoup de chose sur moi... Je suis parti découvrir le monde, comme tous les jeunes qui idéalisent le monde en dehors de cette ville, pour savoir, pour comprendre.

A côté du papillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant