Chapitre 8

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Point de vue Alex

Sérieusement ? Elle vient vraiment de me laisser là, planté comme un idiot ? Plus je passe de temps avec cette femme, plus je commence à la détester. C'est quand même grâce à moi si elle a pu rentrer ici. Et elle ose me prendre de haut ! Ruminant ses paroles dans ma tête, je décide de ne pas la laisser s'en tirer comme ça. Je refuse d'avoir mes réponses plus tard, voire jamais. Je les veux ce soir, qu'elle le veuille ou non.

Je l'ai bien vu rejoindre cet homme mystérieux à l'autre bout de la salle. Ils n'ont discuté qu'un court instant avant qu'il ne l'entraîne vers un couloir légèrement en retrait. Heureusement pour elle, Brown ne l'a pas aperçue. Elle aurait été virée illico de la réception. Et maintenant, je regrette presque que ça ne soit pas le cas.

À mon tour, je m'enfonce dans la foule, pendue aux lèvres de mon patron. Cela me permet de me faufiler tranquillement. Arrivé de l'autre côté de la salle, je me rappelle rapidement le couloir qu'ils ont emprunté. Il mène aux escaliers secondaires. Pourquoi sont-ils passés par là ? L'ascenseur est tout autant accessible... J'ignore ce qu'il se passe mais c'est clairement suspect. Je commence à grimper les marches et me rends compte que j'ignore jusqu'à quel étage ils ont pu monter. Peut-être au troisième ? Visiter le bureau du directeur est très certainement intéressant, quoiqu'ils préparent. J'opte pour cette solution et, arrivé au troisième, décide de ne pas allumer la lumière. Je n'ai pas envie de me faire repérer.

Avec le flash de mon téléphone, j'avance d'un pas déterminé vers le bureau de Brown. Je colle mon oreille à la porte et ne perçois aucun bruit. Je suis à la fois frustré et soulagé, car en réalité j'ignore ce que je vais faire une fois que je les aurais retrouvés. Faire une entrée fracassante ? Appeler la police ? Paniquer et partir en courant ?

Reprends-toi Alex ! C'est pas le moment de faire une crise de stress !

Je dois arrêter de perdre mes moyens dans une situation angoissante bordel ! Je dois réfléchir, être stratégique, avoir un plan. Je dois décider ce que je compte faire une fois face à eux. À bien y réfléchir, c'est uniquement Anastasia qui me doit quelque chose. Alors l'autre, qu'importe la raison pour laquelle il est là, je ne dois pas me préoccuper de lui. C'est uniquement à elle que je dois parler.

Dans un regain de confiance, je fais demi-tour et me dirige rapidement vers les escaliers. Ils n'ont pas pu aller bien loin... Mais ils pourraient vraiment être n'importe où. Ce bâtiment est immense ! Je risque de ne pas avoir le choix, je vais devoir examiner les étages et les pièces stratégiques un par un. Un peu de sport ne peut pas me faire de mal, si ?

Ma détermination a tenu bon les dix premiers étages mais arrivé au onzième, je commence sérieusement à désespérer et à me remettre en question. Qu'est-ce que je suis en train de faire bordel ? Poursuivre une femme que je connais à peine car elle me doit des réponses ? Et en plus elle s'est servie de moi pour retrouver ce mec mystérieux ? Et lui, c'est qui d'abord ? Est-ce qu'il est dangereux ? Qu'est-ce qu'il vient faire ici ? En tout cas, il a l'air de sacrément bien connaître l'entreprise. Il a peut-être un complice à l'intérieur...

Stop ! Arrête de penser à tout et n'importe quoi à la fois ! Tu dois d'abord les retrouver. Et après tu t'inquièteras de tout ça.

De plus en plus dépité, je continue mon inspection de l'étage. Aucun signe d'eux. Je tourne les talons et reprends mon ascension. Ils n'ont pas pu disparaître de toute façon. Il sont forcément ici. Mais j'espère vraiment qu'ils ne sont pas au dernier. Si je ne les trouve pas au vingtième, j'abandonne. Je trouverais un autre moyen de récupérer mon dû. Enfin, je l'espère.

Arrivé au quinzième, ma motivation a définitivement foutu le camp. Mais je me suis imposé le vingtième comme limite, donc j'irai jusqu'au bout. Avançant à pas de loups dans le long couloir sombre, seulement éclairé par ma lampe de téléphone, j'inspecte un à un les bureaux et l'open space. Si je ne me trompe pas, cet étage est réservé aux employés avec le plus d'ancienneté dans l'entreprise, qui ont accès le plus rapidement aux archives du journal.

De nouveau, aucune trace d'eux. Je m'apprête à faire demi-tour lorsque, soudain, j'entends des voix étouffées et des bruits de lutte. Je me fige, tentant de savoir d'où proviennent ces sons. Je pensais pourtant avoir fouillé toutes les pièces. Les bruits deviennent de plus en plus forts et je me dirige tant bien que mal vers leur source. Je repère une porte en bois, à l'écart des autres bureaux, je ne l'avais même pas vue. C'est sûr qu'ils sont dans cette pièce. Il n'y a aucun doute. J'accélère le pas et me retrouve face à cette fameuse porte, sans trop savoir comment réagir. Et je devine de mieux en mieux ce que je risque de trouver à l'intérieur. Et j'ignore quoi faire.

Je n'ai pas le temps de prendre une décision qu'Anastasia apparaît brutalement devant moi, ouvrant la porte avec fracas. Un instant étonnée et même agacée, elle lève les yeux au ciel et m'attrape le bras pour m'entraîner loin de la salle. Je tente de me dégager mais elle resserre sa prise.

- Croyez-moi, vous ne voulez ni aller voir ce qu'il y a à l'intérieur, ni rester ici. Alors faites-moi confiance et cassez-vous d'ici. Me dit-elle en me tenant toujours le bras et en me menant vers les escaliers.

Immobile, je reste planté au milieu du couloir. Elle se tourne vers moi et en fouillant son regard j'y vois clairement de l'agacement mais aussi de la crainte. Qu'est-ce qu'il s'est passé dans cette salle ? Elle ne me le dira certainement pas mais pour que cela déclenche ce genre d'émotions chez elle, ça doit être grave. On se fixe durant de longues secondes, sans bouger. Et je remarque que son bras gauche saigne et à l'air vraiment amoché. Elle finit par tourner les talons, se dirige rapidement vers les escaliers en soutenant son bras et me dit sèchement tandis qu'elle s'éloigne :

- Votre curiosité causera votre perte.

Elle s'arrête et toujours dos à moi, ajoute après un petit silence :

- Je vous contacterai demain.

Et sur ces paroles, elle disparaît dans la cage d'escaliers, dévalant les marches. Je n'ai pas bougé d'un pouce et je ne sais pas quoi faire. Je tourne la tête à droite, vers la salle qu'elle vient de quitter, puis à gauche, vers la sortie et donc la sécurité. Mon instinct me crie de prendre mes jambes à mon cou et de partir de ce qui doit certainement ressembler à une scène de crime mais je n'y arrive pas. C'est plus fort que moi. Je veux savoir ce qu'il s'est passé. J'ai besoin de le savoir. Tant pis, je n'écouterais pas les recommandations d'Anastasia. De toute façon, elle ne fait que me mentir et me manipuler depuis le début. Pourquoi est-ce que je devrais lui faire confiance ?

D'un pas mal assuré, je me dirige discrètement vers la salle. Il n'y a plus aucun bruit à l'intérieur. Peut-être que le gars est parti ? Ou alors il est ...

Oh non ! Je n'ai pas envie de découvrir un cadavre ! Quelle horreur.

Déglutissant, je pousse la porte avec mon coude et entre dans la pièce sombre. Je décide de sortir mon téléphone pour allumer le flash. Je l'enclenche rapidement et me fige.

Putain... c'est quoi ce bordel ?

La bonne nouvelle c'est qu'il n'y a personne. De vivant ou de mort. Le type a dû filer dans le bureau voisin en passant par la porte de communication qui les relie. Mais cette pièce, est sens dessus-dessous. L'ordinateur est au sol, brisé. Des dossiers et des centaines de feuilles parsèment le sol. Les chaises et le bureau en verre sont retournés et cassés. Mais le pire, c'est le mur. Il est éclaboussé de tâches de sang. Il n'y a aucun doute, ils se sont vraiment battus. J'ignore pourquoi mais ça devait être violent. Je fais attention à ne rien toucher dans la pièce. Il ne manquerait plus qu'on retrouve mon ADN ici ! Je n'ai pas envie de perdre mon job et d'être interrogé par les flics.

Après avoir rapidement inspecté la pièce, je décide de faire demi-tour. En me dirigeant vers la porte, je remarque une enveloppe rouge parmi le tas de feuilles au sol. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai comme l'intuition qu'elle n'était pas là avant ce soir. Je me baisse et la ramasse, intrigué. Je la tourne pour l'inspecter et vois écrit dessus, en une police d'écriture stricte :

À l'attention d'Anastasia Ivanov. CONFIDENTIEL.

Némésis (version non corrigée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant