Chapitre 21

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Point de vue Alex 

Anastasia a le regard rivé sur le hublot et ses mains se tiennent fermement aux accoudoirs du fauteuil.

Comme une impression de déjà vu...

Je ne me risque pas à prononcer un mot et arrête de la fixer. Elle n'a pas prononcé une parole depuis que nous l'avons retrouvée à Boulder City, près d'un arrêt de bus. Elle n'a pas voulu parler de ce qu'il s'était passé chez Steel Bird. Et même si, avec Raphaël, nous avons tout entendu de leur altercation, le visage fermé d'Anastasia nous prouve qu'il y avait bien plus que des mots. Quelque chose que nous n'avons pas pu percevoir à travers leurs discussions.

Quand elle est sortie de chez Steel Bird, elle nous a rapidement expliqué où elle se trouvait. Après plus de vingt minutes de route, nous arrivions à l'endroit où elle nous attendait. Les seuls mots qui sont sortis de sa bouche après qu'elle soit monté dans la voiture ne laissaient pas de place à la discussion :

" On rentre. Maintenant."

Et c'est tout ce qu'elle a dit depuis. Cela fait plus de trois heures que nous avons quitté le Nevada, plus de trois heures que nous sommes dans cet avion et son silence m'angoisse de plus en plus. Même pour saluer Raphaël, elle n'a pas ouvert la bouche. Elle s'est contentée d'un mouvement de tête. Elle ne lui a donné aucune explication sur notre départ précipité. Rien du tout. Et cela n'a pas eu l'air de déranger son ami.

Ne pouvant pas m'en empêcher, je tourne le regard vers elle. Elle n'a pas changé de position et ses jointures sont devenues blanches à force de serrer les accoudoirs. Sentant mes yeux sur elle, Anastasia se détache du hublot pour me regarder. Et quel regard...

Les yeux sont les fenêtres de l'âme comme on dit...

Ce regard me brise le cœur. Mais sans réellement savoir pourquoi. Je ressens tout à la fois. La tristesse. L'incompréhension. L'angoisse. L'espoir. La colère. Je n'arrive pas à choisir une seule émotion face à son regard. 

Ses yeux bleu glaciers n'expriment pas leur sarcasme ou leur agacement habituel. Juste de la lassitude. Et un peu de tristesse. Ces sentiments me semblent tellement étranges pour la décrire. Ce n'est pas elle. 

Où es-tu partie ?

Alors je n'arrive pas à m'arrêter de ressentir une multitude d'émotions contradictoires. La tristesse en écho à sa propre peine. Une incompréhension immense face à son silence pesant. Une angoisse incontrôlable de savoir qu'elle refuse de m'expliquer ce qui se passe et que cela semble la détruire à petit feu. Un faible espoir qui résiste grâce à l'idée qu'elle ne m'a pas encore repoussé. Mais une colère aussi forte, plus forte peut-être que l'espoir, en me rappelant sa facilité déconcertante à risquer sa vie.

- Ne t'inquiètes pas pour moi Alex. Tout va bien, m'assure-t-elle.

- Arrête de me mentir. Tu ne crois pas que tu l'as déjà assez fait ? riposté-je, la colère ayant définitivement pris le dessus.

Elle ne répond rien. Elle ne répond rien ?!

Pourquoi elle ne répond rien ? Elle devrait m'insulter, me frapper ou lever les yeux au ciel. Peut-être même les trois à la fois !

Elle finit par détourner à nouveau son regard vers le hublot. Mais cette fois je ne lui laisserai pas la possibilité de se défiler. 

Némésis (version non corrigée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant