Chapitre 17 : Empreintes de pas (1/2)

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Si mon réveil n'avait pas sonné à huit heures tapantes, je pense que je ne me serais pas réveillé de la journée. Après les frayeurs de la veille, nous avons continué de discuter avec Jack, et je me suis endormi sans m'en apercevoir.

La nuit a été formidable. Je suis reposé pour le reste de la semaine.

Les rayons du soleil s'insinuent à travers les battants du volet. Je ne sais pas il fait jour depuis combien de temps, mais je ressens la lumière diaphane à travers mes paupières.

La première chose que je vois lorsque j'ouvre les yeux, c'est le visage de mon apprenti fantôme. Il ne dort plus et me regarde avec douceur. Ses cheveux en bataille sont plaqués sur un côté de son crâne, comme s'il était resté ici toute la nuit. Il arbore un sourire serein et à l'air en paix. C'est sans doute grâce à ma main qui entoure la sienne... A-t-on dormi dans cette position ? Est-ce que cela a suffi qu'il reste parmi nous, de ce monde, même quand mon cerveau s'est mis en mode off ?

Je m'émancipe encore un peu de ma timidité pour consommer cette fumée gourmande qui provient de mon propre bonheur.

Je caresse ses joues aussi froides et lisses que des glaçons, et il semble apprécier ce geste. En retour, il additionne sa main à la mienne, et sort l'autre de sous la couette pour effleurer mon visage. La chaleur qui émane de ma peau le prend au dépourvu. Il détache d'abord sa paume comme s'il venait de se brûler, puis quand il réalise que ça n'a rien de dangereux et que c'est même plutôt agréable, la ramène sur ma joue.

— Pourquoi Dore touche la joue de Jack ?

Ma deuxième main rejoint son visage.

— Tu aimes ? rétorqué-je pour détourner sa question.

Il opine avec force.

— Ou tu préfères que j'arrête ?

— Non ! s'exclame-t-il en appuyant sur l'une de mes mains pour que je ne m'écarte pas. Jack aime les mains chaudes de Dore.

— Tu vois... C'est pour ça que je te caresse la joue.

— Parce que Dore aime les joues de Jack ?

Je me mords la lèvre. Le voir parler à quelques courts centimètres, longer la frontière subtile entre le vermillon et sa peau clair, détailler les imperfections invisibles de sa peau, c'est de la torture.

— Parce que tu m'as fait aimer l'hiver, alors que tout le monde ici en a peur.

À cet instant précis, je pourrais l'embrasser si je n'avais pas cette voix et ces doutes qui me tournent dans la tête.

« Tu n'as pas le droit. »

Quelqu'un doit vraiment me détester pour me maudire autant. Pour le moment, je tiens bon, néanmoins s'il m'interdit de me rapprocher de lui, je vais vraiment péter un câble. Une partie de moi pèse le pour, et pense qu'il n'y a pas de grand risque à déposer ma bouche sur la sienne en plein jour, et l'autre le contre. Les crises de saturations n'ont pas d'heure et le monstre dans ma tête n'hésiterait pas à déchainer de nouveau sa colère.

Mes yeux se sont refermés et je n'ai pas besoin de bouger ou d'aiguiser mes sens pour le sentir à côté de moi. Alors comme ça, je me dis qu'il y a peut-être un espoir, aussi minime soit-il, pour qu'il ne disparaisse jamais.

— Théodore ?

Mais pour l'heure, ma mère approche à grands pas et je me redresse sur le lit. Elle a prononcé mon prénom entier, ça ne signifie rien de bon. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire ?

La porte s'ouvre violemment sur ma mère en robe de chambre. Elle vient de se lever, et le froid qui se propage dans la pièce m'oblige à relever la couette sur moi.

Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant