Chapitre 8 : Blanc comme neige (1/1)

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Les deux capuches qui couvrent ma tête - définitivement le meilleur accessoire pour contrer le froid -, et mes écouteurs plantés dans les oreilles, je laisse passer en boucle le dernier album de Sam Smith, tandis que les rues de Saint-Olympe défilent sous mes pieds.

Le temps est maussade, comme l'humeur de tous ces passants que je croise sur ma route, blasés de devoir marcher sous la neige. Nous avons tous une façon de nous déplacer approximative, écartant les jambes et les pieds en canard, comme si cela nous donnait plus d'équilibre.

Je serre les dents pour ne pas éclater de rire, chaque fois que quelqu'un se mange le trottoir.

Si au début, je faisais le malin à me promener, les mains nichées dans les poches de mon parka, j'ai vite fini par les balancer de chaque côté de mon corps, au rythme de mes pas. Avec les dernières pluies, les plaques de gel ont pris possession du sol et les plaques d'égout sont plus glissantes qu'une patinoire. Une gamelle peut arriver plus vite que prévu.

Le métro est complètement bondé.

Il n'est que 15h, sérieux ! Ils foutent quoi dehors, tous ces gens ?

Je lève les yeux au ciel et me mets de biais pour me frayer une place dans la masse de passagers. Du haut de mon bon mètre soixante, je n'ai pas à pâlir au côté de mes camarades de Première, mais ici, la majorité des épaules m'arrivent au niveau du nez. La taille idéale pour me frotter les aisselles de mi-journée, et me retrouver englouti sous la foule. Et encore, je ne parle pas de tous ces sentiments qui me rongent la cervelle. S'il y en a qui se met à exprimer des émotions trop forte, c'est sûr, c'est la saturation. Je dois fournir des efforts infinis pour en faire abstraction ; ou du moins, les diminuer.

Je ne suis pas d'humeur à jouer des épaules pour étendre ma bulle d'intimité, qui paraît beaucoup trop restreinte, pas d'humeur à me confronter à des réflexions vivaces et regards de travers. Enfin, je n'ai jamais été d'humeur à le faire. Moi, confiant ? Ce n'est définitivement pas compatible.

Alors je renfonce mes écouteurs au plus près de mes tympans, et la douce de voix de mon chanteur favori me permet d'oublier un peu.

Dehors, à l'extérieur de la bouche de métro, le monde se dilue vite dans les allées blanches. La plupart d'entre eux semblent presser de retrouver la chaleur de leur foyer. Ils n'ont pas été préparés à affronter l'hiver si tôt, et ce froid soudain est beaucoup trop angoissant pour qu'ils puissent dessiner un ange dans la neige, ou faire de la luge dans les allées de garage.

La tempête s'est éloignée, mais les flocons continuent de tomber par fournées. Les températures, non plus, n'ont pas évolué. Le thermomètre approche les négatifs. Personne ne sait vraiment quand cette situation finira par s'arranger et nous essayons de nous y faire, sans vraiment y arriver.

C'est tellement étrange et inhabituel.

Angèle est assise au pied du grand toboggan de la zone de jeu, et me fait de grand signe de bras. Quand je suis entré au niveau des balançoires, toutes recouvertes d'une épaisse couche de gel, je n'ai pas reconnu la plaine.

Faut dire qu'en temps normal, je m'y rends en été, ou lorsqu'il fait suffisamment beau pour en profiter pleinement. Sans sa verdure à perte de vue et ses enfants qui court dans l'herbe, sous les yeux attendris ou épuisés des parents, ce n'est pas la même chose. Ces étendues monochromes sous ce ciel diaphane prennent des allures de fin des temps.

Et dire que tout le monde s'attendait à une apocalypse enflammée avec des volcans en éruption, des monstres qui crachent du feu et des météorites enflammées... Qui se serait attendu à une conclusion dans la glace et le froid ?

Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant