Chapitre 12 : Un froid cinglant (1/2)

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— Qu'est-ce que tu regardes comme ça, Théo ? Tu veux que l'on rentre ? Je ne t'en voudrais pas, tu sais.

C'est une question de fierté, je refuse de me soumettre à cette anxiété de merde.

Mes yeux sont penchés au-dessus de mes chaussures de ville, redessinent la moindre couture et courbure des lacets, étudient la position des flocons qui tombent au compte-goutte et se fraye difficilement un chemin jusqu'à mes pieds, en définitif, font tout pour oublier ces deux regards qui me fusillent.

Dis-lui, radote le démon viscéral, comme une litanie. Cette voix fait gondoler mes pensées, qui deviennent, à chaque mot, un peu plus illisibles.

— Dis-lui, insiste Jack.

— On pourrait sinon aller à la boulangerie, prendre un chausson aux pommes, et nous poser chez moi.

Dis-lui.

— Dis-lui.

— Le principal c'est qu'on soit tous les deux, non ?

Dis-lui.

— Dis-lui.

— Comme tu le sens, Théo.

Le trou noir ressurgit. La gueule du loup s'ouvre dans ma poitrine.

Elle vient pour m'engouffrer tout cru, mais je réussis à crier :

— Silence !

Leurs visages sont autant alertes que décontenancés.

La neige recommence à tomber entre nous et forme un rideau cinétique qui m'aide à les oublier, un peu.

Fidèle à lui-même, Jack rabat ses mains le long de ses cuisses et redevient le garçon au visage neutre qui avait fait irruption dans ma chambre, et Angèle tente de me passer une main réconfortante sur le bras. Je m'en dégage avec habilité, et double la file, dans des injures pas toujours très élégantes, pour m'affaisser sur le guichet.

La dame de l'accueil se baisse vers moi, l'air beaucoup trop aimable face à un sale gosse qui vient de griller l'attente pour passer avant tout le monde. Elle passe une mèche derrière son oreille et demande :

— Un problème, jeune homme ?

— Plutôt oui...

Je vérifie qu'Angèle a bien réussi à se frayer un chemin dans la foule, et complète :

— Ma sœur et moi ne trouvons plus nos parents. Je crois qu'ils sont en train de récupérer leurs affaires sous la tonnelle.

Ma performance vaudrait bien un Oscar du meilleur acteur. J'épie les alentours d'un regard anxieux, et passe un peu plus de temps à épier les familles qui vont et viennent sous la grande tente blanche, montée pour l'occasion – la même qu'ils ressortent pour le bal du quatorze juillet, et le concert de la fête de la musique.

— Oh... s'inquiète l'hôtesse, jetant un œil derrière elle.

— Nous pouvons aller voir ?

— Je vais appeler un...

— Merci ! l'interrompe-je, me faufilant sur sa droite.

Ma meilleure amie me suit vers les vestiaires sans rechigner.

Nous échangeons alors un regard entendu, mais tamisé de gêne, avant de nous approcher d'un nouveau responsable. Angèle prend les devants, et à son tour, trouve un nouveau mensonge pour le convaincre de nous louer deux paires de patins à glace. Nous prenons place sur un banc et décollons les fermetures scratch de ces énormes chaussures. Je suis de nouveau entre Jack et elle, mais nous nous complaisons dans ce silence. En tout cas, je m'y plais, et je ne tente aucune discussion, au risque de relancer les hostilités.

Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant