Chapitre 29 : Bleu glace (1/1)

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Le bureau est baigné dans l'obscurité. Par acquis de conscience, je choisis de ne pas allumer l'ampoule. On n'en sait rien, quelqu'un dans la cage d'escalier peut être attiré par la lueur – aussi minime soit-elle – ou même être interpellée en passant sur le trottoir, en bas.

Nous nous contentons de nos lampes torches.

Angèle a foncé la première vers la grande étagère, le flash de son téléphone orienté vers les cadres alignés sur l'étagère la plus basse.

Je n'avais jamais remarqué à quel point l'agencement est dense, fournie en détails. Le bureau n'est pas grand, mais en à peine un coup d'œil, une flemme démesurée s'ancre dans ma poitrine et mes muscles, au chaud sous mes tonnes de vêtements. Le vent souffle fort depuis l'extérieur. Il va nous falloir au moins une heure si on veut tout fouiller de fond en comble. Si seulement Baudry n'était pas juste un fantôme inutile, il aurait pu mettre la main à la pâte.

À la place, il me suit à la trace, à l'image de Jack, et je dois m'éclaircir la gorge à deux reprises avant qu'il ne comprenne qu'il me court sur le haricot.

Autant, ils sont parfois de bonne compagnie, en revanche lors de moments clés tel que celui-ci, ils sont pire que la plus molle des plantes vertes.

Bref, on n'a pas le temps de méditer.

Aucun élément ne doit être manqué, il faut tout passer au peigne fin ; des chaises transparentes à travers desquelles réfractent les rayons lunaires, toutes les deux enfoncées sous un bureau en bois foncé, plus rétro, de son énorme siège de bureau doublé de mousse – il ne s'embête pas lui, pendant que nous on se brise les fesses sur ces trucs en plastique.

Je reluque même le triptyque de tableaux qui me lorgne avec un regard mal-aimable, ces mêmes peintures qui m'ont longtemps effrayé, plus jeune... et je dois avouer qu'ainsi plongés dans l'ombre, ils sont toujours autant terrifiant.

Je passe après Angèle et vérifie chacun des tiroirs qu'elle vient de fouiller, soulève tous les tas de feuilles qu'elle a remué une première fois. Ce n'est pas que je n'ai pas confiance en ses vrais talents d'enquêtrice, c'est simplement que quatre yeux valent mieux que deux.

Toujours rien.

Cassie n'a pas bougé depuis que nous avons déboulé ici. Elle tourne sur elle-même, la lampe dans sa main droite, le faisceau dirigé en ligne droite vers le mobilier de la pièce. En d'autres circonstances, ça pourrait être vachement utile d'avoir un phare pour briller dans la nuit, mais là, nous avons juste besoin de renfort, de quelqu'un d'autre pour dénicher le graal.

— On cherche quoi, déjà ? soupiré-je, lassé.

— Ton suivi psychiatrique, répond Dry, en s'asseyant sur une chaise en plastique, à côté de Jack.

Angèle tourne les talons en ma direction.

— Il t'a répondu ?

— Oui, chuchoté-je. Il a dit qu'il faut trouver mon... mon suivi psychiatrique.

— Tu sais, ce n'est pas une honte d'aller chez un psy, c'est même cool, me rassure-t-elle, après avoir discerné la gêne dans ma voix. Je te promets de ne pas en lire le contenu. Je t'aide juste à le trouver et basta !

— C'est gentil.

Un voile rosâtre virevolte autour de ses épaules. Par instant, je crois revoir cet amour que j'ai tant eu du mal à refreiner, mais finalement, ce n'est que de l'amitié. Un bonbon rose qui ne me donne plus la nausée.

Il n'y a aucun ressentiment dans ses propos, elle croit vraiment que je n'ai pas à être embarrassé de rencontrer un médecin pour aller mieux dans ma tête. Et ça fait du bien qu'on me considère comme un garçon normal, pas juste le monstre de foire qui sait décrypter les émotions, à défaut de prédire l'avenir.

Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant