Chapitre 31 : Baiser givré (1/1)

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— Tu es vraiment sûr que tu veux bien ? vérifié-je pour la millième fois.

Jack hoche du menton.

Mes yeux me brûlent, mais je retiens les larmes pour ne pas dévoiler mes faiblesses. Pas tant que Baudry nous observe à quelques centimètres de nous.

— Même si ça signifie que tu vas peut-être partir pour toujours ? Qu'on ne se reverrait jamais que tu... que tu... que tu ne pourras plus manger de glacer ?

— Jack le sait.

— Tu ne pourras plus rien faire dans ma chambre, Jack, insisté-je, presque comme si je cherchais la petite bête pour qu'il renonce à mes lèvres. Tu ne pourras plus dormir avec Beurre – d'ailleurs, où est-il passé ? –, tu ne pourras plus jouer à la balançoire dans le parc, tu ne pourras même plus sentir mes doigts dans tes nœuds, tu ne pourras... tu ne pourras...

— Plus rien faire, finit-il.

Pourquoi est-ce que je m'obstine à lui faire réaliser les conséquences de ce baiser ? Pourquoi est-ce que je le prends toujours pour un gamin paumé, un ange tombé dans la neige, alors qu'il n'est rien de plus qu'une partie de moi ? Une partie de moi avec un cœur, une âme et une personnalité. En l'embrassant, je ne referais pas que disparaître l'hiver, je sauverais des gens en tuant celui qui m'est devenu le plus précieux.

Je me mords la lèvre, un goût métallique se propage sur mes pupilles anesthésiées par l'adrénaline. Mes yeux redessinent chacune des subtilités de ses pupilles, ces flocons qui virevoltent avec une ferveur exceptionnelle, et bouffe les dernières tracent de bleu qui dominaient encore hier. Sa peau est d'un blanc immaculé et semble presque glissante, duveteuse, fantomatique, sous mes doigts colorés. Evidemment que ses lèvres m'appellent. Elles m'intriguent, m'obnubilent, me fascinent depuis des semaines. Je n'ai jamais osé y toucher parce que je craignais que Jack se rétracte, qu'il refuse l'étreinte de nos visages. Maintenant, je crains que ça signe la fin d'une ère, celle de Jack et Dore.

— Jack ne disparait pas.

J'inspire profondément pour ne pas laisser couler une larme. À la place de succomber à ma peine, je lui caresse la joue. Il se plie sur le côté pour mieux sentir ma paume contre sa peau.

— Jack est toujours avec Dore.

Mes doigts dévalent, effleurent ses fossettes et mes pouces retrouvent leur nid, au coin de ses lèvres bleuies par le froid.

— Vous n'avez pas le droit ! s'insurge encore Baudry.

Mon front s'accole à celui de Jack. Il ne m'a jamais paru aussi chaud qu'aujourd'hui. De cet angle, j'aurais presque l'impression de pouvoir contempler le bleu azur de ses iris derrière le blizzard.

— Je vous interdis de...

— Jack... Je t'aime.

Son nez s'écrase sur le mien.

Mes lèvres s'affaissent sur les siennes.

Le grognement de Dry s'intensifie.

Je crois percevoir son corps s'écrouler sur le sol, se désarticuler comme une poupée de chiffon. Cette image aurait pu m'effrayer, mais elle me donne plus de temps pour profiter de ce baiser avec celui qui fait battre mon cœur. Je savais que l'ombre finirait par resurgir sous sa forme abstraite... Comme lorsque j'ai voulu embrasser Jack la première fois.

Tu ne peux pas m'ignorer.

Et voilà qu'elle réapparait.

Embrasse-nous tous les deux.

Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant