Chapitre 9 : Apprenti fantôme (2/2)

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— Règle numéro 1 : tu restes derrière sans ne jamais passer devant moi ! Règle numéro 2 : pas un bruit, silence absolu. Et la règle numéro 3, la plus importante de toutes : tu ne touches à rien, même si ça a l'air bon ou si ça te rend curieux, surtout pas mes parents.

Je suis dos à la porte et toise mon charmant sujet d'expérimentation avec une autorité modérée. Pas question qu'il commette la moindre bourde et me mette dans de sales draps.

Mes trois doigts dressés pour chaque impératif de mon règlement, je resserre mon poing et lui ordonne :

— Répète !

— Derrière Dore, récite-t-il avec ses mots, levant un pouce comme pour compter.

J'opine du menton.

— Silence.

Jusque-là, il a l'air d'avoir tout retenu. Enfin, il sait au moins répéter... Pour ce qui est de comprendre, c'est une tout autre histoire. Quoi qu'il en soit, j'acquiesce.

— Toucher, finit-il, le regard fier.

— Tu dois toucher ?

— Non, pas toucher.

— Surtout pas quoi ? vérifié-je.

— Parents.

Malgré ses défauts, on ne lui enlèvera pas que Jack est un excellent soldat. On n'en fait plus de nos jours, des bons gars aussi dociles que lui – et ça, c'est vraiment une phrase de vieux ; c'est moche d'approcher de la majorité.

Ce matin, j'ai un peu moins de mal à affronter le regard de cet intru. Je converse avec lui comme un bébé, mais ça m'amuse presque. Après toute ma colère de la veille, la fatigue de ma dernière crise, l'arrivée en fanfare de ma mère dans ma chambre a immédiatement calmé la haine que je lui ai relargué en pleine figure.

Le fait qu'il soit invisible à ses yeux est bien trop atypique pour qu'on s'embarrasse de différends futiles. Certains diront peut-être que j'avais raison de m'énerver une bonne fois pour toute... et qu'il le méritait. Mais je suis de ceux qui pensent que l'on peut rien résoudre par la haine.

Pour être franc, mon emportement d'hier me rend un peu honteux.

J'étais contrarié et Jack s'est tout pris dans la gueule. Assez violemment.

Nous n'en avons pas reparlé depuis notre dispute. Enfin, depuis ma remontrance, car lui, à part me dire deux fois « dis-lui » – d'un ton quand même pas très aimable – il n'a fait qu'encaisser.

Après deux nuits à dormir sur ma chaise de bureau, j'ai osé reprendre ma place sur le lit. Bien qu'il ne prenne pas beaucoup de place, je ne me sentais pas de partager mon matelas avec un autre garçon. Question de pudeur mal placée, sûrement, mais je n'ai jamais fait ça encore. Et le minois de Jack m'intimiderait beaucoup trop, dans un contexte si intime que dans mon lit. Alors j'ai renversé le contenu de mon armoire sur le sol pour lui construire un duvet de fortune. Il n'a pas l'air d'avoir mal dormir.

Toutefois, car je ne suis pas cruel, je lui ai proposé d'échanger de place toutes les nuits.

Donc ce soir, je découche de mon pieux pour le sol.

J'ai déjà hâte ! Non, je plaisante.

Un frisson me parcourt l'échine lorsque j'ouvre la porte et sens un courant d'air s'engouffrer dans ma chambre. Il est grand temps de passer au crash test. Soit ça passe, soit sa casse. J'ai l'impression de me métamorphoser en ces petits génies de mauvaises séries télé, prêt à tout pour vérifier leurs théories les plus farfelues.

Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant