Chapitre 20 : Ombre blanche (1/1)

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Je me recule de notre étreinte et le regarde de haut en bas. Je souris à pleines dents et les épaisses gouttes salines m'humidifient la langue. C'est impossible.

Mes mains déposées sur ses frêles épaules légèrement voutées dévalent le long de ses bras, et rejoignent les siens pour s'y mêler. Jack m'observe, il réagit peu à mon contact. Ses prunelles luisent, comme s'il avait aussi pleuré, et les flocons à l'intérieur se sont clairsemés. Les pointillés blancs sont si peu nombreux que ses yeux n'en deviennent presque plus surnaturels. Pur et profond. Juste assez pour que je puisse m'y plonger afin de me rassurer.

— Dore va bien ? murmure-t-il, faisant vibrer ses doigts froids contre ma paume.

Je soulève sa main avec la mienne, et m'inquiète :

— Tu trembles !

— Jack est fatigué... souffle-t-il, et je sens l'effort.

La neige qui tombe de je ne sais où donne des allures fantastiques à ce tunnel. Le sol est encore trop chaud pour que ça puisse tenir, mais les flocons qui virevoltent autour de nous, me donnent l'impression de plonger dans une autre dimension. Un monde fabuleux où nous ne serions plus que tous les deux. Pour la vie. Sans avoir à se soucier des drames qui nous entourent.

— Je vais mieux, réponds-je enfin. Les dégâts qu'a fait l'ombre m'ont chamboulé, mais je me rassure en me disant qu'il y a forcément une solution pour les sauver... Non ?

Il ne cille pas et continue d'observer autour.

— Comment m'as-tu trouvé ? tenté-je.

— Jack s'est juste endormi pour reprendre des forces, mais Jack est toujours avec Dore.

— Genre... Tu as hiberné ?

Il plisse le nez.

— Comme un ours ?

— Comme un ours, oui, m'amusé-je.

— Oui, Jack hibernait.

Il se frotte les yeux, on dirait qu'il vient de sortir d'un long sommeil. À l'exception qu'il n'a pas l'air plus reposé. Au contraire, il paraît plus crevé qu'hier matin.

— Jusqu'au moment où il a entendu Dore.

Je me racle la gorge pour dissiper mon embarra. C'est le meilleur garçon du monde à bien des égards. Il mérite tout mon amour, sinon plus. Très vite, je l'invite à s'assoir sur le sol bétonné, resserre avec douceur ma main autour de la sienne et ose demander :

— As-tu revu... l'ombre ?

Il nie direct.

— Qu'as-tu vu alors ?

Il hausse les épaules, l'air désolé.

— Tu ne te souviens de rien ?

— Jack se souvient de l'ombre, de sa voix, de la colère et quand Dore a crié. Et après...

Il laisse sa phrase en suspens et se gratte l'arrière de la tête, à la recherche vaine d'une réponse. Sa mâchoire à peine dessinée se contracte, et il se mord l'intérieur de la joue. Même son visage tremble.

Je m'éclaircie la voix.

— Laisse tomber, abrégé-je.

Sa mine réellement désolée m'attriste au plus profond de mon âme. C'est pour cela que je lui ai ensuite murmuré qu'il n'y était pour rien, et que nous avons abandonné cette conversation stérile.

Après autant de temps à broyer du noir, à pleurer sur notre sort, nous avons juste besoin de nous retrouver, de penser à des choses futiles et insignifiantes.

Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant