Il y a un engouement monstre de l'autre côté du kiosque à musique, là où des familles entières font la queue jusqu'aux vestiaires. J'étudie la foule immense à la recherche de ma meilleure amie, avant qu'elle ne saute sur mes épaules pour que je la porte sur quelques mètres.
— Beaucoup trop génial, tu l'as mis ! s'enquit-elle avec entrain, sentant le parfum dans mon cou, et triturant le pompon à la cime de mon bonnet rouge et blanc.
Il suffit qu'elle me tourne autour, ignorant absolument Jack au passage, pour que je remarque qu'elle ne m'a pas laissé seul avec ce truc sur la tête. Elle secoue le cou de droite à gauche, et rit aux éclats quand son chapeau de Noël se met à chanter Vive le vent au rythme des étoiles, cousues sur le bandeau blanc, tout en bas. J'ai presque honte de la rejoindre dans son hilarité ; allez savoir si c'est sa joie qui est communicative, ou si je me moque de son bonnet. Pire qu'un couteau-suisse ! C'est cool parce qu'il a plein de fonctionnalité, mais en somme, la plupart ne sert strictement à rien.
Elle glisse son bras sous mon coude, et nous nous avançons vers l'afflux de monde. Jack nous suit sans dire mot, et semble peu impacté par la joie de vivre explosive d'Angèle – même hermétique. J'exhale un souffle quand je comprends qu'on ne sera pas sur la glace avant une bonne demi-heure, si ce n'est davantage, et me tourne vers elle pour lui suggérer d'aller ailleurs.
— Oh, Théo, s'exclame-t-elle. Regarde !
Je suis son index désignant, au premier abord, qu'une masse de corps sans réelle importance. Puis, en relevant un peu le regard, j'aperçois ces deux boules de laines blanches suspendues à deux chapeaux rouges.
— Tu vois, on n'est pas seul à avoir penser à sortir nos affaires de Noël. J'espère tellement qu'ils vont décider de remonter le marché de Noël ! J'ai trop envie de réessayer les casse-têtes en bois... J'suis sûre de les réussir, cette fois !
Je roule les yeux vers le ciel. Cette fille est vraiment dans sa bulle. Si le week-end dernier, c'était la première à s'inquiéter par ce temps, elle a l'air de s'y être accoutumée. Un peu trop. Elle fait une vraie fixette sur ces puzzles impossibles, depuis qu'un vendeur l'a appâté en décembre dernier. L'année prochaine, elle peut être sûre que je lui en offre un si je suis son Père Noël surprise !
— Et du pain d'épice ! rempile-t-elle, déjà en train de saliver alors que ça n'arrivera jamais.
— Qui mange ça ? dis-je, faisant mine d'être écœuré.
— C'est la base. C'est juste toi qui n'as pas de goût.
Ça n'a jamais été la base, et ne le sera jamais. J'ai une sainte horreur du goût de la cannelle, et ces pâtisseries en sont bourrées.
J'échange un regard avec Jack, comme pour avoir son approbation, qui me répond avec une grimace, pas vraiment plus convaincu, qui me fait rire. Angèle intercepte mon regard, et après un regard dubitatif à travers le garçon fantôme et la foule derrière, revient vers moi.
— Pourquoi tu te moques ? rétorque-t-elle en oubliant le reste. T'as pas de palais, c'est tout.
Je reprends ma respiration et canalise ma montée de stress soudaine. Il ne faut surtout pas me faire des frayeurs comme ça ! J'étais clairement à deux doigts de tomber dans les pommes.
La file d'attente avance à une allure d'escargot. À ce rythme, nous ne serons enfin sur la patinoire qu'à la nuit tombée. De ce que je vois, de ma position par rapport aux gens qui ont réussi à avoir leurs patins à glace, je devine que les places sont limitées et que n'importe qui ne peut pas y entrer quand il veut. Logique qu'ils mettent une jauge pour limiter les débordements et mouvements de foule, certes. Mais ne pas donner de durées maximum ? Il y a une gamine avec son manteau violet et une licorne moche floquée dessus, qui fait le tour de la piste, accrochée à la rambarde, depuis que nous sommes arrivés. Elle prend la place à quelqu'un alors qu'elle ne s'amuse même pas ; en tout cas, elle n'en a pas l'air.
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Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]
ParanormalThéodore a un don : qu'il soit dans la foule, en classe, ou dans son salon, il ressent, malgré lui, les émotions des personnes qui l'entourent. Son cerveau est une usine lancée à plein régime qui ne connait pas le repos, et dans lequel s'accumule to...