Chapitre 17 : Empreintes de pas (2/2)

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— Maman ? Tu dors ?

Mon souffle se coupe sur le champ, tandis que je mes mains continuent d'agiter son torse.

Ses yeux qui restent clôt me font suffoquer.

Un filet de salive s'échappe de mes lèvres affolées.

Mon cœur se met à palpiter, et malgré le froid, mon front me brûle soudainement. J'imagine le pire. Ça ne peut pas être possible, elle ne fait que dormir, elle est juste exténuée. Je repense à Fabrice. Je culpabilise de m'être disputé avec elle tout à l'heure. Et si c'était encore à cause de mon foutu don et de mon humeur exécrable, qu'elle se trouve dans cet état ?

Mes doigts s'affolent. Je ne sais plus quoi faire pour la sortir de sa torpeur. Je ne sais pas si je dois apporter mes lèvres à sa bouche pour lui souffler un peu d'oxygène ou si je dois lui faire un massage cardiaque pour réactiver son cœur. Mais je ne sais même pas s'il bat encore. Et je ne sais pas comment on fait tout ça.

— Maman ? pleuré-je, démuni. Bouge un doigt si tu m'entends, OK ? Est-ce que tu m'entends.

Elle ne bronche pas le moins du monde.

Ma tête tourne, mais cette fois, ce n'est pas mon don.

J'approche mon oreille de ses narines et vérifie qu'elle respire encore. Si je ne ressens rien dans un premier temps, je finis par percevoir un souffle infime qui ne suffirait même pas à une plume de s'envoler. À peine assez pour la maintenir en vie. Son teint pali à vue d'œil, ses lèvres virent au violet, ses doigts se décolorent, aucune émotion ne s'en échappe, et je me mets à craindre de la perdre pour toujours. Si je ne fais rien, c'est ce qui finira bien assez vite par lui arriver.

— Je suis débile.

Je me relève brusquement.

— Je vais chercher papa. Je reviens.

Je me rue dans le couloir, les idées tous sauf clairs, et allume sans prévenir la lumière de leur chambre. Mon regard survole le lit et ma panique double : mon père n'est plus ici. Pourtant, il n'a pas quitté l'appartement depuis hier et il est malade, alors... Je réprime un cri de détresse. Les moyens me manquent. J'attrape ma tête dans mes mains, mes jambes flageolent, je tremble comme une feuille et manque de m'écrouler sur le sol.

Je me rattrape à temps.

J'ai juste le temps de voir la moquette.

Des pieds nus dépassent de l'autre côté du sommier, totalement inertes. Il n'y a pas mille solutions à qui ils appartiennent. Je me dépêche vers le corps et découvre papa allongé sur le sol.

Un soubresaut me secoue.

Cette vision est terrible.

D'une force surhumaine que je n'aurais jamais imaginé, je décale le lit vers le fond de la chambre, à m'en défoncer les biceps, et m'agenouille près de lui. De la même manière que je l'ai fait avec ma mère, je me penche fébrilement près de son visage et exhale un souffle soulagé quand il se met à ronfler.

Lui, au moins, il dort.

Les larmes m'en inondent les joues tellement je suis inquiet et rassuré et apeuré et perdu et c'est trop pour moi. C'est trop pour un adolescent de mon âge. C'est trop pour n'importe qui. Je passe mes mains sur mes yeux et mes cheveux  trempés pour me redonner meilleure prestance, en vain.

— Est-ce que tu m'entends, toi, papa ?

Il ronchonne.

Ce n'est pas le moment de faiblir, alors j'agite ses épaules avec toute l'énergie qu'il me reste. Mes bras sont ankylosés par l'angoisse et la panique, pourtant je continue, quitte à y laisser ma vie.

Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant