— Cassie ? Que fais-tu ici ? bredouillé-je.
Elle s'accroupie pour poser son téléphone sur le sol et son ombre apparaît désormais sur le plafond. Elle se gratte le coude, nerveuse.
— Je suis venue voir comment tu allais.
— Je... je vais bien. Et toi ?
Elle rit. Je sens que c'est de la gêne.
— Mieux, souffle-t-elle, simplement.
Ses mouvements sont saccadés, tremblants, empreints d'anxiété. En revanche, ses traits sont moins timides et son sourire plus innocent que celui d'un enfant.
— Et comment... Comment m'as-tu retrouvé ? osé-je me renseigner, les épaules carrées par le froid, l'embarras et la méfiance. Je suis pourtant loin de la ville.
— La neige... chuchote-t-elle.
Je fronce les sourcils pour la convaincre de détailler.
— C'est étrange ce qu'il se passe en ce moment et j'ai longtemps cru qu'il n'y aurait jamais d'explication, car il n'y en a pas toujours, ou parfois c'est juste qu'on ne veut pas les entendre, et... Bref, je pense que j'ai compris. C'est un secret pour personne, j'ai une relation un peu malsaine avec moi-même, je souffre depuis toute petite d'angoisse, de terreurs nocturnes... surtout de terreurs de jour... Ma vie n'est qu'un concentré de sentiments néfastes. Ce soir-là, quand je suis rentrée de l'hôpital, papa était vraiment en colère contre moi. Il ne le montrait pas tellement, mais je le sentais, et je n'osais pas le dire que je le sentais. J'étais à peine revenue à la maison, je n'arrivais pas à accepter que mes émotions reprennent le dessus. Alors j'ai tout gardé pour moi. Alors quand papa est... qu'il s'est fait...
Je déglutis en l'imaginant congelé dans son propre lit. Ma respiration se fait un peu plus douloureuse et je sens cette force m'appuyer contre la poitrine, presque à m'en étouffer. Elle termine :
— J'ai cru que c'était moi.
Elle se met soudainement à pleurer. Mes poumons, mes yeux, ma gorge, tout me brûle instantanément. Or pour ne pas dévoiler ma faiblesse et qu'elle ne ressente pas ma culpabilité vis-à-vis de tous ces incidents, je fonce vers elle pour la serrer avec regret à l'intérieur de mes bras. Mon corps tressaute contre le sien, mais elle n'est pas prête à s'arrêter et poursuit son explication :
— Puis j'ai appris ce qu'il s'est passé pour tes parents, j'ai repensé à ton visage crispé quand tu es chez les miens, à ton hypersensibilité à toi aussi, et j'ai repensé à cette fois où je suis venue chez vous, que vous étiez tous les trois sur le canapé. J'ai repensé à l'hiver. J'essayais de comprendre. En vain.
Elle se détache de notre étreinte et pivote en direction de l'extérieur. Ses yeux se perdent vers le paysage, vers la neige qui ratisse toute la ville, et longe ce chemin de glace qui se stoppe juste à ses pieds. Ce même chemin qu'avait crée Jack lorsqu'il m'avait rejoint ici.
Elle reprend son calme, puis et reprise d'une poussée de stress. Elle se frotte frénétiquement ses yeux, puis le visage tout entier.
— J'ai alors su que c'était toi. Que tu étais à l'origine de cette tempête de neige, que tu n'avais pas su contrôler ses conséquences, et que tu avais fui. J'étais incapable de te retrouver. Du moins, avant que le blizzard sorte de Saint-Olympe et se propage jusqu'ici.
Nous nous asseyons ensemble contre le mur.
— Je n'ai fait que suivre la neige.
Je la reprends dans mes bras et m'excuse autant que je peux. J'ai beau rejeter la faute sur cette fichue ombre, la triste vérité est sans doute qu'elle provient de moi, de ma tête, tout comme Jack. Que si je ne lui avais pas laissé le temps de prendre autant de place, nous n'en serions pas là. Si au début, Cassie poursuit ses explications et surtout ses déductions, elle finit par se noyer sous un océan de larmes et s'affaisse un peu plus contre le mur.
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Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]
ÜbernatürlichesThéodore a un don : qu'il soit dans la foule, en classe, ou dans son salon, il ressent, malgré lui, les émotions des personnes qui l'entourent. Son cerveau est une usine lancée à plein régime qui ne connait pas le repos, et dans lequel s'accumule to...