Le journal

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Harry allait revenir chez lui, revenir à l'endroit où il avait eu une famille. S'il n'y avait pas eu Voldemort, c'était à Godric's Hollow qu'il aurait grandi et passé toutes ses vacances. Il aurait invité des amis dans sa maison... Peut-être aurait-il eu des frères et des sœurs... Le gâteau de son dix-septième anniversaire aurait été préparé par sa mère. La vie qu'il avait perdue ne lui avait jamais semblé aussi réelle qu'en cet instant où il savait qu'il allait revoir le lieu dans lequel on l'en avait privé. Ce soir-là, après qu'Hermione se fut couchée, Harry sortit silencieusement son sac à dos du sac en perles et y chercha l'album de photos que Hagrid lui avait offert il y avait déjà si longtemps. Pour la première fois depuis des mois, il contempla les vieilles images sur lesquelles ses parents lui souriaient et lui adressaient des signes de la main. C'était tout ce qui lui restait d'eux, maintenant.

Harry serait volontiers parti pour Godric's Hollow dès le lendemain, mais Hermione avait une autre idée. Convaincue que Voldemort s'attendait à ce que Harry revienne sur le lieu où ses parents étaient morts, elle avait résolu de s'y rendre sous le meilleur déguisement possible. Aussi n'accepta-t-elle d'entreprendre le voyage qu'une semaine plus tard – après qu'ils eurent subtilisé quelques cheveux à des Moldus innocents pendant leurs achats de Noël et se furent entraînés à transplaner ensemble sous la cape d'invisibilité.

Ils devaient transplaner dans le village sous le couvert de l'obscurité. Ce fut donc en fin d'après-midi qu'ils avalèrent le Polynectar, Harry se transformant en un Moldu d'âge mûr au crâne dégarni, Hermione en sa petite épouse aux allures de souris. Le sac en perles qui contenait toutes leurs affaires (en dehors de l'Horcruxe que Harry portait autour du cou) avait été casé dans une poche du manteau d'Hermione, boutonné jusqu'au cou. Harry déploya sur eux la cape d'invisibilité puis ils pivotèrent sur eux-mêmes, s'enfonçant à nouveau dans les ténèbres oppressantes.
Le cœur lui remontant dans la gorge, Harry ouvrit les yeux. Ils se tenaient par la main dans une allée couverte de neige, sous un ciel d'un bleu sombre dans lequel les premières étoiles du soir commençaient à scintiller faiblement. Des maisonnettes bordaient de chaque côté le chemin étroit, des décorations de Noël étincelant à leurs fenêtres. Un peu plus loin, des réverbères aux lueurs dorées indiquaient le centre du village.

— Toute cette neige ! murmura Hermione sous la cape. Pourquoi n'y avons-nous pas pensé ? Après avoir pris toutes ces précautions, voilà que nous allons laisser des empreintes ! Il va falloir les effacer. Mets-toi devant, je m'en charge...

Harry ne voulait pas que, pour essayer de rester invisibles en faisant disparaître leurs traces par magie, ils soient obligés d'entrer dans le village à la manière d'un cheval de pantomime.

— Enlevons la cape, dit-il.

Voyant son air effrayé, il ajouta :

— Allez, quoi, on a changé d'aspect et il n'y a personne autour de nous.

Il glissa la cape sous sa veste et ils poursuivirent leur chemin sans entraves, l'air glacé leur picotant le visage tandis qu'ils passaient devant d'autres maisonnettes : l'une d'elles était peut-être celle dans laquelle James et Lily avaient autrefois vécu, ou bien celle de Bathilda. Harry regardait leur porte d'entrée, leur toit chargé de neige, leur perron, en se demandant s'il pourrait se souvenir de quelque chose, mais il savait au fond de lui que c'était impossible, qu'il avait tout juste un peu plus d'un an lorsqu'il avait quitté cet endroit pour toujours. Il n'était même pas sûr qu'il lui serait possible de voir la maison. Il ignorait ce qui se passait quand les dépositaires d'un sortilège de Fidelitas mouraient. Le chemin sur lequel ils marchaient décrivit une courbe vers la gauche, et le cœur du village leur apparut sous la forme d'une petite place.

In Noctem Où les histoires vivent. Découvrez maintenant