In Noctem

La fin

Enfin, la vérité. Allongé à plat ventre, le visage contre le tapis poussiéreux du bureau où il avait autrefois cru apprendre les secrets de la victoire, Harry avait finalement compris qu'il n'était pas censé survivre. Sa tâche consistait à marcher calmement vers les bras accueillants de la mort. Au long du chemin, il devait détruire les derniers liens qui rattachaient Voldemort à la vie. Ainsi, quand il finirait par se jeter en travers de sa route, sans même lever sa baguette pour se défendre, l'issue serait claire et nette, le travail qui aurait dû être accompli à Godric's Hollow serait terminé : ni l'un ni l'autre ne vivrait, ni l'un ni l'autre ne pourrait survivre.

Il sentit son cœur tambouriner furieusement dans sa poitrine. Il était étrange que, dans sa peur de la mort, il batte d'autant plus vite, le maintenant vaillamment en vie. Mais il allait devoir s'arrêter, et bientôt. Ses pulsations étaient comptées. Combien y en aurait-il encore pendant le temps qu'il mettrait à se relever, à traverser pour la dernière fois le château, à sortir dans le parc et à pénétrer dans la Forêt interdite ?

La terreur le submergea tandis qu'il demeurait étendu par terre, avec ce tambour funèbre qui battait en lui. Mourir était-il douloureux ? Toutes les fois où il avait cru que c'était la fin mais avait réussi à s'échapper, il n'avait jamais vraiment pensé à la chose elle-même. Sa volonté de vivre avait toujours été beaucoup plus forte que sa peur de la mort. Pourtant, en cet instant, il ne lui venait pas à l'idée d'essayer de s'échapper, de distancer Voldemort. C'était fini, il le savait, et il ne restait plus que le fait en soi : mourir.

Lentement, très lentement, il se redressa en position assise et se sentit alors plus vivant, plus conscient qu'il ne l'avait jamais été de la vie qui animait son propre corps. Pourquoi n'avait-il jamais su apprécier ce miracle que constituait son être, ce cerveau, ces nerfs, ce cœur qui bondissait dans sa poitrine ? Tout cela allait disparaître... Ou tout au moins, devrait-il l'abandonner. Son souffle était lent, profond, sa bouche et sa gorge complètement asséchées, ses yeux aussi.
La trahison de Dumbledore n'était presque rien. Il existait un plan plus vaste, bien plus vaste. Il ouvrit alors le journal de Brian, et tourna lentement jusqu'à la dernière page. Alors il plongea dans un dernier souvenir.

Brian était là, vingt ans, avec un sourire, regardant le ciel bleu depuis le cimetière de Godric's Hollow.

— Je pensais que j'y arriverais, dit-il à Harry comme s'il savait qu'il était là. Je ne sais pas si Severus aura eu le temps de te parler ou... Albus... ou même si on se rencontrera avant... J'ai beaucoup réfléchi, tu sais... Harry...

Il renifla et poussa un long soupir.

— Albus... Il m'a dit qu'à la toute fin, il faudra que tu saches... mais je pense que comme moi, tu l'as toujours sut. J'aimerais te dire que moi aussi je me sacrifie pour les autres mais ce serait un mensonge. Et... un sacrifice au fond... c'est un peu égoïste... Harry... Ce lien entre toi et Voldemort... ce n'est pas qu'un lien entre un Horcruxe et son propriétaire. C'est plus. Ce morceau d'âme, Voldemort n'a jamais pensé à ça. J'ai plongé dans la magie noire, j'ai vu l'horreur... et puis je t'ai vu toi... dans ce cimetière... J'ai vu ce lien entre vous deux mais je ne l'ai pas compris immédiatement. Il a fallu que Dumbledore... mon oncle, me le confirme. Harry... J'aimerais te dire de ne pas avoir peur, mais moi-même je suis mort de trouille, pas de la mort, mais d'être déçu par le après.
« Ma mère n'était pas une sorcière. Son sang coule dans mes veines et même si elle ne pouvait faire de la magie, je sais que pour moi, pour me protéger, elle l'a fait, comme ta mère. Voldemort t'a pris de ton sang, Harry, ce sang que ta mère a protégé. Ne l'oublie pas en y allant. Ne l'oublie pas quand tu feras face à Voldemort, en baissant ta baguette magique. C'est ce que je ferais, moi... Je vais droit vers la mort, et ma pire crainte, c'est que finalement, il ne me tue pas...
« vis plus loin que la mort... meurs pour ta vie.